Arte diffuse « Fiertés », une série gay qui rend fiers
On ne voit pas d’images de Gay Pride ou de débats enflammés à l’Assemblée Nationale dans Fiertés, que la chaîne Arte diffuse à partir de ce soir 3 mai, ou alors incidemment, au détour d’un reportage diffusé à la télé et regardé par l’un des personnages. On n’entend pas non plus de discours généraux sur la menace du sida, l’homophobie ou les droits des homos. Et pourtant c’est bien tout cela que raconte avec une sacrée intelligence la mini-série en 3 épisodes réalisée pour Arte par le cinéaste Philippe Faucon. Car ces marches, ces revendications, ces combats qui constituent notre histoire depuis près de quarante ans, Fiertés les aborde par le biais de l’intime, à travers une poignée de personnages au premier rang desquels un couple, Victor et Serge, que l’on saisit au moment de leur rencontre et dont on va suivre, à trois étapes, le parcours.
1981. Victor n’a pas 18 ans. En parallèle à ses études, il bosse sur un chantier de construction dirigé par son père. Militant de gauche, ce dernier espère la victoire de François Mitterrand à la présidentielle pour « changer la vie ». Pourtant, lorsqu’il surprend son fils en train d’embrasser un jeune ouvrier maghrébin, le vernis de tolérance se fissure. Et il craque complètement quand Victor évoque son amour naissant pour Serge, un homme de deux fois son âge…
Tout commence là, le combat de l’affirmation de Victor, la lutte pour la reconnaissance de son amour pour Serge qui passera lors du second épisode par le Pacs enfin adopté, par le désir d’enfant, par la séropositivité de Serge, par le choix d’un couple ouvert, par le déferlement de haine et d’agressions homophobes lors des débats pour le mariage, par l’homoparentalité, etc.
« Fiertés » raconte toutes les étapes de l’histoire LGBT contemporaine
Fiertés raconte ainsi toutes les étapes de notre histoire contemporaine, tous les moments qui ont rythmé cette longue période où l’histoire LGBT s’est incroyablement accélérée. Mais il ne le fait jamais à la façon des mauvais films à thèse qui tentent de démontrer quelque chose à coup d’arguments assénés, de sentences bien senties, d’un volontairisme pesant. Bien au contraire : c’est toujours par le biais de la manière dont les décisions politiques influent sur la vie des personnages qu’il s’y penche, c’est toujours par l’entremise de l’intime qu’il les aborde. Et l’on ressent ainsi fortement, émotionnellement pourrait-on dire, le lien étroit entre le politique et nos vies : qu’est-ce que cela change concrètement pour un couple homo sa reconnaissance, qu’est-ce que cela porte de différence pour nos vies la possibilité d’adopter et celle que le coparent ait un statut, etc., etc.. Et l’on perçoit avec la force de l’évidence à quel point, dans chacune de nos histoires, le personnel et le collectif sont indissociables, presque indémêlables.
La grande idée de tout le cinéma de Philippe Faucon — l’auteur du beau portrait d’une ado lesbienne dans Muriel fait le désespoir de ses parents, mais aussi de ce jeune gay d’origine maghrébine dans engagé l’armée qu’est Les Etrangers, ou du multi césarisé Fatima il y a deux ans —, c’est ainsi de s’attacher aux gestes les plus quotidiens de ses héros pour raconter au plus près notre société. Il porte cette démarche singulière et puissante à son meilleur dans Fiertés, cette série à la justesse et à la pertinence assez étonnantes sur ce qui a traversé et bouleversé les vies homosexuelles ces dernières décennies, cette belle série engagée qui porte si bien son titre, cette fierté, ces fiertés conquises sans violence mais de haute lutte par chacun et chacune d’entre nous face à ceux qui si longtemps ont voulu (et voudraient bien encore parfois) nous assigner à la honte.
Fiertés, de Philippe Faucon, avec Samuel Theis, Stanislas Nordey, Frédéric Pierrot… Distr. DVD Pyramide Vidéo/Arte Editions.