Une balade Lgbt dans les cimetières parisiens (2/3): Les cimetières de Montmartre
L’histoire est partout dans Paris, et l’histoire LGBTI notamment se croise au fil des quartiers et des rues, des plaques posées sur les immeubles et des souvenirs des lieux de rencontres. Mais c’est sans doute dans les allées des cimetières parisiens que se concentre la plus grande part de notre mémoire, celle des artistes gays et lesbiennes, des héros, des icônes, des martyrs aussi, de Proust à Dalida, d’Oscar Wilde aux victimes du sida. Visite très orientée de ces lieux de mémoire…
Etape 2: Le cimetière Saint-Vincent, le Cimetière Montmartre et le cimetière des Batignolles
Visiter Paris, c’est aller à Montmartre. La célèbre Butte, en plus de ses nombreux attraits, abrite deux cimetières qui méritent le détour. L’un, grand et romantique (le cimetière Montmartre), l’autre, beaucoup plus secret (le cimetière Saint-Vincent). Commencez par celui-ci, caché à l’arrière de la butte Montmartre. S’y trouve en effet le futur tombeau d’une des personnalités incontournables du quartier, propriétaire du cabaret de travestis qui porte son nom, Michou, qui a pris les devants sur sa future mort. S’y trouve surtout la tombe d’un des plus grands réalisateurs français, Marcel Carné, l’auteur des Enfants du paradis et du Quai des brumes. Ce qui frappe le visiteur, c’est que Carné — qui n’a jamais vraiment faire mystère de son homosexualité — y partage sa dernière demeure avec un de ses comédiens fétiche, Roland Lesaffre, manière d’officialiser après leur décès la vraie nature de leur relation.
A quelques encâblures de là, le très beau cimetière de Montmartre est surplombé par un pont. On y pénètre par l’avenue Rachel. Comme au Père Lachaise, il ne faut pas héster à s’y perdre. Les tombes sont souvent monumentales, et les célébrités nombreuses (François Truffaut, Eugène Labiche, Hector Berlioz, Michel Galabru, Michel Berger, Emile Zola, Stendhal…). Mais la star ici, c’est Dalida. Pour atteindre la statue grandeur nature qui surplombe sa pierre tombale, il faut prendre, juste après l’entrée et le bâtiment de la conservation, l’avenue des Polonais, en passant devant le tombeau de Sacha Guitry. Dalida se dresse tout au bout du chemin des Gardes.
Au fil de vos déambulations, vous croiserez la très récente tombe de la comédienne Jeanne Moreau, la statue commémorant le danseur Vaslav Nijinsky (dont il est traditionnel d’effleurer l’entrejambe) sur l’avenue Samson, les pierres tombales du dramaturge Bernard-Marie Koltès et du comédien Jean-Claude Brialy proches du mur d’enceinte sud. Celle du roi du porno gay des années 1980-2000, Jean-Daniel Cadinot, se trouve à proximité de l’avenue de la Croix, pas très loin de celle de l’animatrice radio Ménie Grégoire, fameuse pour son émission intitulée « L’homosexualité, ce douloureux problème », interrompue au début des seventies par l’irruption de militants gays et féministes en colère.
Si vous aimez la poésie, vous ne pourrez manquer, après avoir quitté le cimetière Montmartre, de pousser un peu à l’ouest vers le petit cimetière des Batignolles où, dans la 11ème Division, se trouve la tombe de Verlaine. L’amant de Rimbaud, l’auteur des vers très homosexués du recueil Hombres a vu sa sépulture beaucoup bouger depuis son décès en 1896 : elle se trouve désormais mise en valeur aux abords du rond-point central.
Parmi les autres tombes sur lesquelles s’incliner aux Batignolles, celle de la précurseuse du féminisme, Marguerite Durand. Complètement oublié, l’écrivain Georges Normandy fut l’ami le plus proche et le défenseur le plus acharné de l’excentrique et très homosexuel romancier Jean Lorrain. Tout aussi méconnue, Lina Munte (enterrée avec sa sœur Suzanne) fut la créatrice en France, à la fin du XIXè siècle, du rôle-titre de la pièce Salomé d’Oscar Wilde. On n’achèvera pas cette visite sans un sourire en jetant un œil à la plaque ornant la tombe d’un certain E. Long : offerte par la Fédération Nationale de la Coiffure, elle célèbre « un pionnier de la permanente et de l’ondulation Marcel »…