Bédé: « Appelez-moi Nathan » ou le parcours d’un ado trans pour devenir qui il est
Appelez-moi Nathan raconte l’histoire d’un ado trans — dont vous aurez deviné le prénom — en décrivant le parcours sinueux qu’il emprunte pour devenir celui qu’il est vraiment, en affrontant ses doutes et ceux de son entourage.
C’est parfois cru — notamment dans la description du rapport de Nathan à son corps — mais toujours juste, ce qui est assez rare pour être souligné.
Nous avons donc voulu interroger Quentin Zuttion, l’auteur des dessins, pour en savoir un peu plus.
HORNET: Qu’est-ce qui vous a décidé à écrire sur ce sujet?
QUENTIN ZUTTION: C’est la scénariste, Catherine Castro, qui est à l’initiative de cette histoire. Elle connait « le vrai » Nathan depuis quelques années, lorsqu’il était un jeune ado. Elle a recueilli son témoignage et a voulu raconter son histoire. Un éditeur était intéressé et ils ont commencé à rechercher un dessinateur. Ils ont vus mon travail, qui explore beaucoup de thématiques LGBTI, sur le corps, la quête identitaire, les métamorphoses. Elle m’a présenté quelques séquences de son scénario, et j’ai vu très vite que je pouvais en faire quelque chose dans la mise en scène. J’ai pu à mon tour rencontrer Nathan et il était clair que je voulais mettre mon dessin à leur service. J’ai été très touché par leur confiance et de la liberté artistique qu’ils m’ont laissé.
Que pouvez-vous nous dire sur le « vrai » Nathan?
Nathan, sa famille et ses amis ont souhaité rester anonymes. Tous les prénoms ont étés changés dans la BD. Ce que j’ai retenu en les rencontrant, c’est tout l’amour qu’ils se portent entre eux. Il y a eu des difficultés, plus ou moins lourdes, et des maladresses. La transidentité est encore méconnue par la plupart des gens. Comment comprendre, lorsqu’on sait à peine de quoi il s’agit ? Nathan et sa famille viennent d’un milieu culturellement riche et ouvert, ce qui, je pense, a aidé à la compréhension. Mais ils ne connaissaient rien du parcours du combattant, aussi bien administratif que physique, de la transphobie, des enjeux politiques etc. C’est l’histoire d’une famille qui va soutenir leur fils à tout prix, avec des erreurs bien sûr, parce qu’on est dans le concret.
Le vécu d’un ado trans est particulièrement bien décrit. Vous êtes vous faits conseiller?
Les témoignages de Nathan et de ses parents ont permis à Catherine d’avoir une base solide sur les sensations et sentiments à exprimer dans la BD. Comme je l’ai dit, on est dans le concret, le réalisme du ressenti et des émotions. Bien que la BD contienne une part de fiction, nous n’avons ni enjolivé, ni endurci.
Y a-t-il une volonté pédagogique derrière ce récit?
Je pense qu’à partir du moment où nous abordons ces sujets, il y a une forme de pédagogie. Le but de cette BD n’était pas non plus d’en faire une plaquette d’information, mais on peut effectivement apprendre des choses, notamment sur le parcours trans en France.
Comment jugez-vous l’évolution du monde de la BD sur les questions LGBT?
À mon sens la BD avance bien sur ces questions. Mais comme toutes les autres formes d’expression. C’est pareil dans le cinéma, dans les séries etc. Les éditeurs ne me semblent pas frileux, au contraire, ça les intéresse. Ils voient bien en ce moment que le monde change. Le féminisme, le militantisme LGBT+, sont en train de faire changer les choses et de redéfinir les contours de la société. C’est une force créatrice énorme et les éditeurs et éditrices auraient tords de s’en priver.
Quel avenir pour la BD LGBT selon vous?
Je pense qu’actuellement la BD LGBT et/ou féministe s’inscrit essentiellement dans la pédagogie. Il existe énormément d’auteurs et d’autrices qui utilisent l’outil BD pour expliquer théoriquement des concepts. C’est très bien, il faut que ça existe. J’espère juste qu’on pourra vite sortir de « la théorie » pour aller vers des histoires plus sensorielles et moins manichéennes.