Chaque épisode de la saison 4 de « Black Mirror », classé et commenté
La saison 4 de Black Mirror, la nouvelle saison de la série dystopique de Charlie Booker a été mise en ligne sur Netflix il y a quelques jours. Entre les méchants chiens robots, les paysages horrifiques de réalité virtuelle et une technophobie permanente, la saison 4 de Black Mirror met la peur à l’honneur.
Nous avions déjà classé un à un tous les épisodes de Black Mirror, mais comment la saison 4 s’en sort-elle? Deux de nos plus grands fans de Black Mirror ont binge-watché la saison entière pour le savoir. Voici leur compte-rendu.
6. Hang the DJ
Frank et Amy utilise « Le système » pour trouver une relation — mais cela ne va-t-il pas plus loin?
Daniel: Cet épisode est en gros une métaphore d’une heure sur le dating dans laquelle vit une communauté de jeunes gens relativement attirants qui n’ont pas de travail ou d’autre but dans la vie que d’enchaîner les rendez-vous afin de trouver « l’élu ». Tout le processus de la rencontre est supervisé par un appareil assistant appelé un « coach » qui tracke avec qui vous serez et pour combien de temps, même si cette personne ne vous intéresse pas.
Mais parce que l’épisode occulte délibérément des informations essentielles sur les personnages — Pourquoi tout le monde tient-il autant à trouver un.e partenaire? Pourquoi leur communauté vit-elle entourée d’un grand mur? Pourquoi les personnages n’ont-ils aucun souvenir de leur vie d’avant? — cela reste trop métaphorique pour être intéressant.
Cela dit, l’épisode pourrait plaire à tous ceux qui ont été déçus par les rencontres et les plans (soit la plupart d’entre nous). La rencontre, c’est galère, mais on n’avait peut-être pas besoin d’un épisode de Black Mirror pour nous le rappeler.
Matt: Celui-ci ne m’a pas convaincu. L’épisode ressemble à l’une de ces affreuses fables comme la chanson « One Tin Soldier« : la métaphore centrale donne son sens à la chanson, mais tout le reste n’a aucune logique.
Dans Hang the DJ, j’ai vu le rebondissement arriver à trois kilomètres. Pourquoi quiconque voudrait se mettre dans une situation pareille? Le Système est une secte inquiétante, bizarre avec des règles arbitraires et stupides. Accepteriez-vous de vivre avec quelqu’un que vous méprisez — et qui vous méprise aussi — pour une année entière? Même si on vous a promis le partenaire « parfait à 99.8% » à l’avenir?
J’avais le même problème avec Nosedive, le premier épisode de la saison 3 — pourquoi choisir un système aussi horrible?, mais au mois cela avait un certain sens. Rien de tel ici. Le « rebondissement » constitue la seule explication rationnelle. J’espère un coup de poing à l’estomac comme dans White Bear (saison 2, épisode 2) qui montrerait que tout ce que vous croyiez est faux, mais ça n’est pas arrivé.
C’est comme si cet épisode avait été écrit avec une série de cases à cocher. Cauchemar dystopique? Ok! La technologie qui gouverne tout? Ok! Les petits détails qui semblent bizarre? Ok! La seule innovation est une fin plutôt « douce ». Cet épisode est vraiment à côté de la plaque pour moi, un peu comme The Waldo moment (saison 2, épisode 3).
Insolite: Amy est bi — l’un de ses partenaire dans « Le Système » est une femme.
5. USS Callister
Grâce au Infinity Software, les jeux de rôles en ligne (MMORPGs) sont devenus plus réalistes que jamais. Vous pouvez même avoir un rôle dans show télé préféré! (mais il y a quelques inconvénients)
Daniel: Des jeux comme Les Sims permettent aux joueurs de modeler chaque partie de leur monde à leur envie, mais imaginez que vous pouvez faire ça avec des vrais humains qui ont des souvenirs et qui ne sont pas heureux de faire partie de votre fantasme de jeux vidéos. C’est glauque — on aime se comporter comme un dieu dans ces mondes virtuels, mais le Dieu de l’Ancien Testament était un connard capricieux avide de vengeance (même ceux qui le suivaient en avaient peur et le haïssaient)
Cet épisode est à la fois effrayant et drôle, principalement grâce à son synopsis cruel et une distribution formidable .
Matt: Une excellente façon de commencer la nouvelle saison. L’utilisation d’une ambiance à la Star Trek: The original series pour débuter est parfait. Le décor du plateau était super — ils sont combiné la grandeur de l’univers Star Trek avec le petit budget de Star Trek. Et je dois reconnaître que Infinity laissait penser que ça serait fun d’y jouer.
Tout comme la différence entre Robert Daly dans et hors du jeu. L’une des choses que j’ai trouvées particulièrement juste était cette espèce de nerd rage que Daly incarnait. Dans la réalité, il serait probablement en train de se plaindre sur des forums réacs.
Par ailleurs, j’aime la fin. Sartre avait raison: « L’enfer, c’est les autres ». Et Sartre n’a jamais eu droit aux horreurs des conversations de gamers en ligne.
Insolite: Michaela Coel (l’actrice et auteure qui a créé la série hilarante et légèrement queer Chewing gum) a un rôle important dans cet épisode. Elle était également dans l’épisode Nosedive.
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4. Black Museum
Une femme se rend à une attraction en bord de route au milieu de nulle part pour écouter trois contes terrifiants.
Daniel: Le « Black » dans « Black Museum » se réfère à la la fois aux expositions sombres et perturbantes du musée ainsi qu’à l’intrigue qui s’intéresse au racisme et à l’injustice. Jusqu’à récemment, la plupart des épisodes de Black Mirror avaient une distribution plutôt blanche et seuls quelqu’uns explorent réellement les divisions technologiques et de classe qui séparent les gens.
Black Museum rattrape sérieusement ce retard avec trois contes où les solutions technologiques se nourrissent des désirs humains. Le plus troublant et déchirant de ces trois contes est sans doute celui où un condamné à mort, probablement innocent, fait un accord pour que l’on aide sa famille après son exécution. Cet accord est terrifiant et soulève de nombreuses questions, sur la manière dont on exploite les prisonniers et la souffrance des noires causée par la Justice, l’éducation et le divertissement — vous y repenserez longtemps après avoir visionné l’épisode.
Douglas Hodge est excellent dans le rôle de Rolo Haynes, le diabolique propriétaire du musée et deux de ses histoires sont très tordues. J’ai même dû détourner le regard lors d’une scène particulièrement gore. Un très bon ajout à la galaxie Black Mirror.
Matt: Black Museum est un épisode bizarre qui a une bonne matière de base, mais qui n’est pas aussi bien exécuté que cela aurait pu l’être. Trop de clins d’oeil aux épisodes précédents atténuent le propos. Bien que tous les épisodes de Black Mirror fassent partie du même univers — ce qu’a confirmé Charlie Brooker — les références aux épisodes précédents finissent par laisser sceptique. Révéler que le nom de la station balnéaire dans « San Junipero » vient de l’hôpital expérimental de Saint Juniper fait un peu cheap. Je ne suis pas convaincu non plus par l’aspect chronologique des choses que cela implique. J’aime l’idée de Black Mirror comme un univers, mais avec une chronologie pas forcément linéaire.
Pour ce qui est de l’épisode lui-même, c’est sans doute ce qui se rapprochera le plus d’un épisode des Contes de la crypte. La première et la dernière histoire faisaient très Crypte, seulement la deuxième faisait Black Mirror. Cela dit, les contes sont tous intéressants ; dans son ensemble l’épisode est un peu faible, mais avait le potentiel pour faire beaucoup mieux.
Je suis d’accord avec Daniel sur la performance de Douglas Hodge.
Insolite: Le musée contient aussi les robes de Yorkie et Kelly, le couple lesbien de l’épisode San Junipero. Par ailleurs, Douglas Hodge, qui joue Rolo, a dirigé une production de Torch Song Trilogy à Londres.
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3. Metalhead
Dans un paysage post-apocalyptique, une femme a besoin de faire remplacer un objet dans un entrepôt. Malheureusement, il est gardé par des « chiens » comme vous n’en avez jamais vus.
Matt: C’est l’un des épisodes les plus courts et les plus punchy de cette saison. Le noir et black utilisé pour la photographie était marquant. Cela rend l’épisode parfois un peu difficile à regarder, mais vu que cela cache quelques passages bien gore, ce n’est peut-être pas plus mal. Cet épisode constitue un véritable « tour de force » pour Maxine Peake, qui est quasiment la seule comédienne de tout l’épisode.
C’est aussi l’un des épisodes les plus anti-capitalistes de Black Mirror, ce qui est un autre bon point. L’épisode dénonce l’absurdité de tuer pour de la propriété (et pas juste tuer, mais aussi chasser quiconque essaie de voler). Vu le décor post-acolaptyique, c’est comme une version anti-capitaliste de la nouvelle de Ray Bradbury Viendront de douces pluies.
Le dernier plan semble un peu évident, cependant, mais vu l’intensité de l’intrigue, ça passe.
Daniel: J’aime plus cet épisode que je ne le pensais. Il illustre la volonté de Black Mirror d’explorer les implications de toutes sortes de technologies, et pas juste les réseaux sociaux.
Cet épisode m’a aussi rappelé Cujo, le roman de Stephen King. Mais bien que le personnage féminin soit dure et intelligente je n’ai pas trouvé cet épisode si effrayant que ça. La plupart du temps, je me disais: « Soit le chien la tue, soit il ne la tue pas. S’il la tue, l’épisode est fini, donc la question est comment va-t-elle rester vivante et que va-t-il se passer à la fin? », ce qui est un peu ennuyeux à penser lors d’un épisode de Black Mirror, en particulier lorsque la fin n’est pas si surprenante que ça.
Insolite: La fin de l’épisode fait une référence visuelle à White bear, un autre épisode de Black Mirror où une femme est également traquée sans merci.
2. Crocodile
Mia est une architecte avec un terrible secret. Mais quand elle est témoin d’un accident de la route, tout risque d’être révélé.
Daniel: Crocodile met du temps à démarrer même si un meurtre arrive dans les deux premières minutes de l’épisode. Et son décor naturel glacé en fait un des épisodes les plus marquants visuellement parlant de toute la série. Mieux, l’épisode explore la nature semble et changeant de la mémoire: comment les souvenirs peuvent aider à nous définir ou à nous piéger dans une prison de glace. Je me suis aussi surpris à être pour le méchant de l’histoire, ce qui est toujours un petit plaisir coupable dans cette série.
Matt: Très intense! J’aime beaucoup les épisodes de Black Mirror qui semblent se passer à peine quelques années de notre époque, plutôt que dans un futur lointain. (Cela dit, j’ai adoré Shut up and dance, un épisode controversé parmi les fans)
La brutalité de cet épisode, avec la sympathie qu’on éprouve pour les personnages, est une des clés de son succès. Même si les deux s’opposent, et que l’un des deux est clairement dans l’erreur, on a envie de les soutenir tous les deux. Daniel a raison, on finit par être pour le méchant. Cela dit, chapeau pour cet épisode, parce que des éléments apparemment sans intérêt finissent par jouer un rôle capital dans ce mystère savamment construit. `
Insolite: Dans cet épisode on trouve deux personnages gays, un dentiste voyeur en ligne et une référence à un juge de télé réalité pris la main dans le sac avec un escort.
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Fun fact: This episode also features two gay characters, an onscreen voyeur dentist and a reference to a reality show judge caught with a rent boy — fun!
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1. Arkangel
Une mère célibataire tente de garder un oeil sur sa famille avec l’aide d’un implant cérébral.
Daniel:
Arkangel joue avec l’idée du parent hélicoptère, des médicaments stabilisateurs d’humeur et des espaces safe, en montrant les dangers d’essayer de protéger son enfant de tout ce qui pourrait être dangereux (et des conséquences que cela peut entraîner sur son propre esprit). C’est intéressant de voir un épisode de Black Mirror qui montre comment les différentes technologies présentées dans la série se sont développées avec le temps (et pourtant des personnages prennent toujours de la bonne vieille cocaïne). Le thème de l’enfant perdu résonne également joliment à travers tout l’épisode: qui de la mère ou de l’enfant est vraiment perdu.e?.
Matt: J’ai beaucoup aimé celui-là. La mise en scène de Jodie Foster est géniale et les motivations de la mère m’ont semblé très crédibles. Malgré son désir de vouloir protéger son enfant de tout ce qui est mauvais, Marie a des motivations qui sont très logiques. Il est difficile de trouver à redire dans la plupart de ses décisions ; le problème est qu’elle dispose de trop d’informations. Son envie de protéger son enfant est louable, mais elle ne devrait pas utiliser un outil qui l’entraîne vers le fond. Et pourtant elle sait. Elle sait que la tablette Arkangel est au final un outil nocif.
Bien sûr, on peut considérer que c’est une parabole du type Jardin d’Eden/Fruit défendu. Mais ce qui fonctionne ici, contrairement à Hang the DJ — et l’histoire d’Adam et Eve — c’est que cela part d’un désir humain. Nous voulons tous tout savoir.
Je comprends les arguments qui pointeraient du doigt que la technologie de filtrage ressemble assez à celle utilisée dans White Christmas. Toutefois, la technologie n’est pas utilisée pour les mêmes objectifs. Cela s’apparente plus à un usage différent d’une technologie déjà vue qu’à une réutilisation fainéante.
Fun fact: La fabuleuse actrice et réalisatrice ouvertement lesbienne Jodie Foster a dirigé l’épisode. Cool!
Impressions globales sur Black Mirror, saison 4
Matt: Dans l’ensemble, cette quatrième saison est une saison assez forte. Toutefois, il y a plus de happy endings qu’habituellement. Et les fins glaçantes de Black Mirror me manquent. Bien que San Junipero soit sans doute mon épisode préféré, l’une des raisons pour lesquelles je l’ai aimé est parce que quelque chose qui ressemble à un happy end est inattendu pour Black Mirror. Je crains que le succès de cet épisode ait laissé penser à Charlie Brooker qu’il devait s’éloigner des fins terribles, alors que c’est l’un de mes éléments préférés de Black Mirror.
Même s’il s’agit probablement de la moins bonne saison de Black Mirror, c’est déjà quelque chose vu la qualité de celle-ci et surtout l’excellence des précédentes. Du mauvais Black Mirror vaut toujours mieux que la plupart de ce qui se fait ailleurs. Mais davantage de fins lugubres pour moi, s’il vous plaît!
Daniel: J’ai préféré la saison 4 à la saison 2 et il paraît que six épisodes supplémentaires sont déjà prêts à être tournées. La série se montre à la hauteur de Quatrième dimension des temps modernes et pourtant, la plupart des épisodes de cette saison semblent être de beaux films bien faits. Même les épisodes les plus faibles restent visuellement captivants.
Avant cette saison, Black Mirror s’est largement penché sur les technologies liées aux réseaux sociaux, mais Men against fire de la saison 3 et Metalhead, puis Crocodile dans cette saison montrent une volonté croissante d’explorer d’autres types de technologies déshumanisantes, ce qui offre de belles perspectives pour les saisons à venir. Je suis heureux de voir Black Mirror s’aventurer du côté de de la politique sociale. The Waldo Moment prédisait à sa manière l’arrivée d’un Donald Trump, mais Black Museum montre que la série peut vraiment avoir du mordant sur les questions sociales.