Centre d’archives LGBT: Vers une impasse?
Le « serpent de mer » est bien parti pour continuer sa route. Le projet de Centre d’archives LGBT basé à Paris, qui traîne depuis près de 15 ans, se trouve face à un nouveau point de blocage.
Alors que les choses semblaient progresser entre la Ville de Paris, l’Etat (dans une moindre mesure) et les associations LGBT, quatre adjoints de Paris — Emmanuel Grégoire, Christophe Girard, Karen Taieb et Hélène Bidard — ont fait parvenir un courrier au collectif Archives LGBQI expliquant ce que devrait être désormais la marche à suivre pour la création du centre.
Premier point important du courrier, il faudra désormais passer par un appel à projet, en cours de rédaction. Jusqu’ici ce type de démarche n’avait jamais été évoqué, d’autant que l’ancien premier adjoint, Bruno Julliard, avait désigné le collectif Archives LGBTQI comme responsable du projet.
« C’était une condition pour que l’Etat s’implique dans le projet », explique Hélène Bidard, adjointe chargée de la lutte contre les discriminations et de l’égalité femmes-hommes.
Mais surtout, le courrier fait état d’une volonté institutionnelle de reprendre en main le projet, comme le montre le passage suivant: « Ces missions, qui représentent un investissement public financier très important, n’ont pas vocation à être assurées par une structure associative qui pourrait affronter des difficultés de gouvernance et de financement. En outre, pour les mêmes raisons, un projet qui induirait la création d’espaces de conservation délégués à un acteur associatif ne serait pas soutenu par nos partenaires notamment l’Etat. »
Les associations se retrouveraient quasiment éduites au rôle de conseillers.
« Ce sont bien les personnes et les associations LGBQI+ qui seront les plus à même de constituer et d’animer un réseau d’acteurs engagés sur le sujet, de prospecter et de collecter les fonds susceptibles de revêtir une valeur patrimoniale, mémorielle, culturelle, artistique ou sociale, d’orienter les détenteurs vers les institutions de conservation (…) », peut-on lire dans ce courrier des élu.e.s.
Une fois collectées, les archives pourraient se voir envoyées dans les institutions comme les Archives nationales, où se trouve déjà une partie des archives d’Act Up-Paris, par exemple, ou les Archives de Paris.
Enfin, le courrier annonçait que la Mairie avait enfin trouvé un local. La piste de la mairie du IVème, initialement évoquée par Bruno Julliard a été écartée, car la future ex-mairie se situe en zone inondable. Ce local serait situé au 22, rue Mahler, près du métro Saint Paul, à côté de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.
« Retour en arrière »
Les associations ont reçu fraîchement ce revirement des pouvoirs publics, c’est le moins que l’on puisse dire. « C’est un retour en arrière à des options qui ont été discutées début 2018 », réagit Patrick Comoy, du collectif Archives LGBTQI. « La vision qui est présentée est celle des Archives nationales et des Archives de Paris. » Le militant pointe notamment la division des archives que cela entraînerait. Or, estime-t-il, « L’intérêt d’un Centre est que tout soit stocké au même endroit, comme à Berlin ou San Francisco. Et d’avoir un regard communautaire. Les archives LGBTQI, ce ne sont pas juste des bouts de papiers qu’on regarde, il faut un accompagnement. »
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Associations et pouvoirs publics ont eu l’occasion d’en discuter face à face lors d’une réunion du comité de suivi en fin de semaine dernière. Les échanges ont été « francs », pour reprendre une formule diplomatique. « Un dialogue de sourds », résume Patrick Comoy.
Le local trouvé par la mairie de Paris ne trouve pas grâce non plus aux yeux du collectif Archives LGBTQI. « Au rez de chaussée, il y a 100 mètres, carrés et environ 400 au sous-sol, mais le sous-sol étant inondable, il n’est pas possible d’y stocker durablement des archives », note Patrick Comoy.
« La situation actuelle est mieux. Ce qu’ils proposent est pire. Il n’y a pas une association qui pense que ce que fait la mairie de Paris fait sens. Ils auraient pu nous proposer un lieu temporaire, plus petit, cela nous aurait convenu et nous aurait mis le pied à l’étrier », affirme le militant.
Les prochaines étapes, ce sont la visite du local et la rédaction d’un cahier des charges. « Nous irons voir le local et nous constaterons que comme nous l’ont dit de nombreuses personnes qui le connaissent, il ne conviendra pas. », indique Patrick Comoy.
Le temps presse
Pour compliquer encore davantage l’affaire, le temps presse. A partir de septembre 2019 s’ouvrira une période pré-électorale et les élu.e.s n’auront plus le droit d’engager de nouveaux projets. S’il n’est pas concrétisé, le projet sera entre les mains de la future majorité municipale, avec le lot d’incertitudes que cela comporte.
« C’est l’année où il ne faut pas reculer, sinon on aura fait comme les autres », conclut Hélène Bidard. Patrick Comoy, lui, ne veut pas verser dans le pessimisme: « Ce n’est pas gagné, mais le pire n’est jamais sûr ».
En attendant, le collectif Archives LGBTQI poursuit son projet d’archives orales, financé par la Dilcrah et travaille à plusieurs projets, notamment la création d’un fonds autour de Radio FG, qui fut d’abord une radio gay et lesbienne avant de devenir une radio musicale.