Il y a 85 ans, les nazis saccageaient l’Institut de sexologie de Berlin

Il y a 85 ans, les nazis saccageaient l’Institut de sexologie de Berlin

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Ce mois-ci, nous commémorons une période sombre dans l’histoire gay: il y a 85 ans, le 6 mai 1933, les nazis ont saccagé l’Institut de sexologie de Berlin, détruisant au passage des connaissances inestimables sur l’orientation sexuelle et l’identité et posant les bases d’une persécution qui allait se poursuivre (en Europe et aux Etats-Unis) pendant des décennies.

Les débuts de l’Institut de sexologie

Fondé en 1919 par Magnus Hirschfeld et Arthur Kronfeld, l’Institut für Sexualwissenschaft fut pionnier dans les combats pour l’égalité des droits pour les personnes LGBT. Hirschfeld a rapidement amassé une grande bibliothèque de recherches et études qui détaillaient les pratiques sexuelles de milliers de personnes. Les patients fréquentaient en nombre les services médicaux de l’institut, qui proposaient aussi bien des traitements médicamenteux que du conseil conjugal.

Magnus Hirschfeld

Hirschfeld s’assurait que les services de l’institut restaient accessibles à tout le monde, offrant des traitements gratuits ou à bas coût à ceux qui se trouvaient dans la précarité. L’institut était aussi à la pointe de mesures, qui presque un siècle plus tard manquent toujours dans de nombreux pays: le traitement des infections sexuellement transmissibles, le soutien économique pour les femmes, l’amélioration de l’accès à la contraception, l’éducation à la sexualité et aux plaisirs.

Pour un temps, Hirschfeld et ses collègues n’eurent pas de rivaux et l’Institut était reconnu mondialement comme leader dans la recherche sur les sexualités. Cela eut son importance à l’époque de l’entre-deux guerres, car les scientifiques n’hésitaient à s’exprimer publiquement sur ce qu’on appellerait aujourd’hui la libération homosexuelle — un terme qu’ils n’auraient sans doute pas employé à l’époque.

L’Institut a permis des progrès significatifs dans les années 20 et le début des années 30. Il a aidé à mettre fin aux persécutions policières visant les personnes trans — ou « transsexuelles » pour reprendre le mot de l’époque. L’Institut offrait aussi ses services médicaux aux personnes qui souhaitent faire leur transition, quelque chose qui était absolument inédit.

Destruction par les nazis

Les nazis brûlent des livres sur la place publique quatre jours après le saccage de l’Institut

Mais cela n’a pas duré. Au début des années 30, la montée en puissance des nazis a mis un terme aux recherches et à la libération. Les nazis attaquaient les établissements gay, s’en prenant à tous ceux qu’ils ne jugeaient pas assez hétérosexuels. L’un des administrateurs de l’Institut, Kurt Hiller, fut enlevé et détenu dans un camp de concentration, dont il parvint à s’enfuir avant de rejoindre Prague, puis Londres.

Tout s’est terminé en mai 1933. L’Union des étudiants allemands — un groupe de jeunes nazis — a saccagé les locaux de l’institut le 6 mai, et dispersé les chercheurs et les patients. Les nazis se sont emparés des registres qui leur ont permis plus tard de tuer ceux qu’ils suspectaient d’être homosexuels, puis le 10 mai, ils ont organisé un grand feu public et ont brûlé les livres de l’institut.

Environ 20 000 livres et 5000 photos sont partis en fumée, et avec eux des trésors de connaissance. Au même moment, les nazis ont publié une loi interdisant les livres qui offensait leur sensibilité qui leur permettait de détruire les oeuvres d’auteurs juifs, pacifistes et progressistes, parmi lesquels Albert Einstein et Karl Marx.

Aujourd’hui, le lieu du feu est commémoré d’un morceau de verre dans un pavé carré, qui montre des étagères de bibliothèque vides. A côté, une plaque indique que brûler des livres est une première étape avant de brûler des personnes.

Hirschfeld a pu s’échapper, mais il est mort deux ans après en 1935, à Nice, où il s’était installé avec son compagnon, sans avoir pu réaliser son rêve: réouvrir son institut. Les conséquences du pillage nazi sont incalculables: non seulement des ouvrages inestimables ont été réduits en cendres, mais ces actes n’ont été que le début d’une campagne d’homophobie — on pense bien sûr aux « triangles roses » assassinés dans les camps d’extermination — dont les répercussions se font toujours ressentir des décennies plus tard. Même après la victoire des alliés, l’Allemagne a continué à persécuter et opprimer ses citoyens homosexuels. Le tristement célèbre paragraphe 175 du pénal allemand, qui criminalisé les relations homosexuelles, n’a été aboli qu’en… 1994.

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