Les Chroniques de San Francisco sur Netflix: Réussite ou plantage?
Retour plutôt gagnant pour les Chroniques de San Francisco. Ce n’est rien de dire que l’adaptation Netflix des livres d’Armistead Maupin était attendue. Après trois mini-séries, qui se basaient sur les premiers livres, diffusées dans les années 90, Michael Tolliver, Mary-Ann Singleton et Anna Madrigal étaient restés loin des écrans.
La version Netflix s’inspire des personnages et de quelques situations présentes dans les derniers livres des Chroniques (qui en compte 9), mais s’en émancipe assez rapidement. Comme dans Mary-Ann en automne, la série s’ouvre sur le retour de la jeune femme du Midwest — qui a maintenant la cinquantaine — à San Francisco, plus de 20 ans après son départ pour devenir présentatrice télé à New York. Elle y retrouve son complice de toujours Michael « Mouse » Tolliver, en couple avec un garçon de 28 ans, Anna Madrigal, la tenancière de la résidence du 28, Barbary Lane, qui fête ses 90 ans, son amie DeDe, en enfin son ancien mari Brian Hawkins et leur fille adoptive, Shawna.
L’une des forces de la série est d’avoir fait revenir plusieurs des comédiens originaux. Olympia Dukakis, Laura Linney, Paul Gross et Barbara Garrick reprennent respectivement leurs rôles d’Anna, Mary-Ann, Brian et DeDe. Cette troupe est rejointe par Murray Bartlett, l’acteur australien ouvertement gay (vu notamment dans Looking), qui incarne Mouse, Ellen Page en Shawna ou encore l’actrice trans Daniela Vega, qui campe une amie de jeunesse d’Anna. Et pour compléter le tout, on a le jeune homme trans Jake et sa petite-amie Margot, deux jeunes instagrammeurs totalement allumés (dont l’utilité dans la série est discutable) et Claire, une documentariste un brin lugubre, interprétée par Zosia Mamet (Girls).
Une belle galerie de personnages
La plus belle réussite de ces Chroniques, à la sauce Netflix c’est de faire vivre cette belle galerie de personnages divers: homos, hétéros, trans, bis, noirs, blancs, latinos ou asiatiques. Certains ont pu critiquer ce côté « catalogue », on y trouve au contraire une représentation moderne de nos vies, d’autant qu’aucun de ces personnages n’est réduit à son origine, son orientation sexuelle ou son identité de genre. Ils et elles évoluent dans un San Francisco qui n’est plus que l’ombre de l’El Dorado qu’il a semblé être dans les années 70, mais qui survit dans quelques bulles, comme le mythique 28, Barbary Lane ou le bar Body Politic, tenu par un personnage incarné par Bob The Drag Queen, vainqueur de la saison 8 de RuPaul’s Drag Race.
Comme d’habitude chez Maupin, on a également droit à une intrigue secondaire — quelqu’un fait chanter Anna Madrigal — qui transforme les personnages en détectives le temps de quelques épisodes. C’est sans doute l’aspect le plus dispensable de la série. A prendre plus au second degré, voire au trois ou quatrième, qu’au premier dans tous les cas. Ici malgré tout, cela mène à un bel épisode où l’on retrouve Anna Madrigal dans les années 60 (incarnée par l’actrice trans Jennifer Richards), lorsqu’elle-même arrive dans la ville californienne.
L’une des scènes les plus marquantes de la saison reste ce dîner chez un ex de Michael. Ben, l’amant de ce dernier, reprend l’un des convives (exclusivement des gays plus âgés) sur l’utilisation du terme « tranny », qu’il juge offensant. Celui qu’il interpelle lui répond vertement qu’il n’apprécie pas les leçons de morale de jeunes qui n’ont aucune idée de ce qu’a été l’hécatombe du sida et du prix qu’on payé les militants gays de l’époque pour que ceux d’aujourd’hui aient des droits. Si le personnage est clairement odieux et que sa colère se trompe de cible, le dialogue permet malgré tout de donner une voix à cette douleur des survivants de l’épidémie. Maupin avait d’ailleurs été l’un des premiers à aborder le sujet dans le quatrième tome des Chroniques, Babycakes, paru en 1984.
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Au final, ceux qui n’aimaient pas l’univers de Maupin ne changeront sans doute pas d’avis avec cette adaptation Netflix. Les autres se réjouiront sans doute d’avoir retrouvé une nouvelle fois — une dernière? — ces personnages qui nous accompagnent depuis plus de 40 ans. Il y a des amis, ou des villes, qu’on a jamais envie de quitter.