Portrait: Nomai repousse les limites du drag

Portrait: Nomai repousse les limites du drag

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Dans la nuit parisienne, il n’y en pas deux comme Nomai (prononcez Nomé). Il suffit de la croiser régulièrement (aux soirées Grand Hotel, au Silencio ou parfois dans les balls de voguing), ou à défaut de se pencher sur son compte Instagram pour avoir un aperçu de ses inspirations pour son maquillage et ses tenues, qu’elle confectionne elle-même: Grace Jones, Mugler et surtout la culture et les femmes africaines.

Après un shooting studio exaltant (voir nos photos), Nomai a accepté de se livrer à Hornet.

Comment la décrire pour commencer? Drag? Club kid? Nous l’avions classée dans nos drag parisiennes à suivre en précisant que le terme club kid lui convenait mieux. Mais en réalité, aucun des deux termes ne le satisfait totalement. Non qu’elle les renie, mais elle nous confie avoir l’impression de faire quelque chose qui dépasse ces catégories là. Nomai se situe au delà du drag, au delà du club kid, et revendique ces deux appartenances pour mieux les dépasser.

« Le drag limite, nous explique le jeune homme derrière Nomai. Je suis juste moi, finalement. Si on veut me mettre dans une case, on peut. Je préfère qu’on me dise que « tu es comme tu es, comme un autre, travaillant pour faire avancer la communauté ». »

Premiers pas en Suède

Sur ses origines, Nomai préfère rester discret. Il est né en Afrique de l’Ouest. Sa culture se situe au confluents des cultures peule et mandingue.

Il fait connaissance avec l’univers drag lorsqu’il part vivre en Suède, à 18 ans. C’est le performer suédois Robert Fux, qui lui fait découvrir son nouveau monde. « Je ne connaissais pas bien RuPaul’s drag race. Ma culture drag s’est affirmée avec lui, et c’est lui qui m’a offert mes premiers talons ».

Nomai, par Xavier Héraud

Nomai se rappelle bien quand tout a basculé: « Je l’ai accompagné un jour. Il m’a raconté l’histoire de son costume, toutes les facettes de ce qu’il était en train de produire. » C’est un choc qui eu eu d’énormes répercussions, y compris sur le plan personnel. « Comme beaucoup de gays, j’avais des tabous par rapport à la féminité. Beaucoup de choses se sont effondrées à ce moment là. », raconte-t-il.

Il fait ensuite ses armes avec la drag suédoise Admirah Thunderpussy.

C’est un conseil de Robert Fux qui va contribuer à façonner son identité d’artiste: « Tu peux le faire [ce métier], mais tu dois le faire en te basant sur ce qui t’inspire toi.  »

Il puise donc son inspiration dans la culture africaine: « Une culture où les notions de fiertés et d’honneur sont très présentes », pour lui.

« Je suis tout ce que ma culture interdit! »

Une culture aussi, où les gays ne sont pas forcément en odeur de sainteté. »Notre culture était une culture animiste. Quand la religion est arrivée, tout ça a été balayé. Quand tu es gay, la première chose qu’on va te dire, c’est que Dieu ne le veut pas. Mais tu ne peux pas en vouloir aux gens, c’est de l’ignorance. »

« Je suis tout ce qu’on interdit! », rit-il. Mais cette culture a défini mon caractère. »

« Avant mon bac, je faisais de la poésie. A chaque fois je faisais une représentation, j’essayais de me maquiller un peu plus, se souvient Nomai. Le « tribe » me nourrit. Dans ma culture, ce que je retiens, c’est la terre, les mains. Chez nous les femmes ne se maquillaient pas, elles se tatouaient la bouche. C’est beau, mais on ne l’a pas assez mis en avant. Ma bouche est presque tout le temps noire et ça n’est pas parce que je suis gothique. [rires] »

Présente au début par petites touches dans ses costumes, son identité africaine s’affirme de plus en plus avec le temps, jusqu’à désormais occuper une place prépondérante dans son travail, à l’image de sa tenue lors de notre shooting photo.

« C’est le temps que j’ai pris moi pour comprendre ma personne, pour m’accepter, aimer ce que je fais et m’aimer moi-même. Ce n’est pas un personnage, c’est une extension de moi. », explique-t-il.

Et il ne s’agit pas que d’une question d’inspiration:

« Si mon travail dans la queer culture se base beaucoup sur la culture de mon continent, c’est pour qu’eux puissent prendre cela de manière un peu plus légère, douce. », lance Nomai.

« J’ai travaillé dans un centre d’asile, ajoute-t-il. Je sais comment les jeunes parlent. Si on amenait les choses un peu plus légèrement, cela passerait beaucoup mieux. Ils sont en train de se moderniser, de s’ouvrir. Mon travail va aller de plus en plus vers ce mouvement. »

L’artiste cite un exemple: « Je vais tresser des femmes parfois chez elles. Je leur montre une belle photo de moi, ou une vidéo et elles vont dire « c’est très beau ». C’est une manière de leur faire accepter une partie de ce qui les repousse. »

En creux, également, l’idée d’être un exemple: « Là bas il y a beaucoup de jeunes qui sont gays ou qui sont gays et ne le savent pas, d’autres qui veulent peut-être faire ce que je fais mais qui n’ont pas d’image. Je peux être cette image là. Ce que j’ai commencé peut inspirer d’autres personnes. »

Nomai, par Xavier Héraud

A commencer peut-être par sa propre famille: « C’est un sujet qu’on n’évoque pas. Ils pensent un peu que je suis malade. J’espère qu’un jour ils se diront, c’est beau, c’est inspirant. Je crois qu’ils essaient de comprendre, mais cela prend du temps. Quand ils comprendront, ça sera bien. Je ne brûle pas les étapes, je n’essaie pas de forcer. »

Photos par Xavier Héraud

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