Présidentielle: Nous étions au débat organisé par l’Inter-LGBT

Présidentielle: Nous étions au débat organisé par l’Inter-LGBT

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Tout à droite de la scène, une chaise reste vide. Sur le dossier, on peut voir une feuille où l’inscription « Représentant.e de la candidate Valérie Pécresse » est surplombée d’un seul mot en lettres capitales: « Personne ». Traduction: le parti Les Républicains n’a pas jugé utile d’envoyer quelqu’un porter sa parole et décrire ses engagements au débat organisé le 21 mars par l’Inter-LGBT à l’occasion de l’élection présidentielle. Cela ne semble guère étonnant quand on consulte le programme de la candidate qui défila jadis avec la Manif pour tous: elle ne propose rien sur le sujet.

L’extrême-droite n’a pas été conviée

En préambule de ce débat, les représentants de l’Inter-LGBT, qui a élaboré un programme de 100 revendications, précisent que les candidats d’extrême-droite n’ont pas été conviés. Il y a donc six représentant.e.s de candidat.e.s sur la scène de la Bellevilloise  — aucun.e candidat.e n’a fait le déplacement.

La gauche se trouve donc surreprésentée lors de cette soirée. Seule représentante de la droite sur scène, la députée LREM Bérangère Couillard, qui représente Emmanuel Macron, est entourée de Barbara Gomes pour Fabien Roussel (PCF), Mélanie Vogel pour Yannick Jadot (EELV), Tiphaine Morier pour Philippe Poutou (NPA), Jean-Luc Romero-Michel pour Anne Hidalgo (PS) et Danièle Obono pour Jean-Luc Mélenchon (LFI).

Yanis Chouiter et Elin Casse, de l’Association des journalistes LGBT, animent le débat. Ils posent une question et chaque représentant.e a deux minutes pour répondre. Les autres représentant.e.s peuvent éventuellement rebondir. En fin de débat, des représentant.e.s associatifs pourront poser des questions, mais le public n’y est pas autorisé.

Voilà pour le dispositif.

De gauche à droite: Bérangère Couillard (LREM), Mélanie Vogel (EELV), Tiphaine Morier (NPA) et Jean-Luc Romero-Michel (apparenté PS)

Rares escarmouches

Disons le d’emblée: ce débat n’en est pas vraiment un. Certes, de rares escarmouches opposent parfois Bérangère Couillard aux autres représentant.e.s, mais pour le reste, tout le monde semble d’accord sur l’essentiel des points abordés, avec une litanie: « Il faut mettre plus de moyens. »

Chaque représentant.e. joue sa partition. Mélanie Vogel parle bien et a le sens de la formule. Elle déroule le programme de son candidat avec conviction. A sa gauche, la députée LREM se contente le plus souvent de défendre l’action de sa majorité pendant le quinquennat et ne donne aucun engagement précis du président sortant pour les cinq années à venir.

Seul homme sur scène, Jean-Luc Romero-Michel s’appuie constamment sur l’expérience d’Anne Hidalgo — et la sienne — à Paris. « Ce qu’on a fait à Paris, on le fera pour la France », résume-t-il.

De son côté, Danièle Obono évoque à de nombreuses reprises le travail parlementaire de son groupe, qui s’est souvent heurté à la majorité présidentielle. Le programme de Jean-Luc Mélenchon est l‘un des plus détaillés sur les questions LGBTI.

Sans surprise Tiphaine Morier se montre la plus radicale en défendant le programme anticapitaliste de son parti.

Sur les différents sujets:

La lutte contre la haine lgbt-phobe en ligne. La députée LREM explique que sa majorité mettra en place une plateforme dédiée à la lutte contre la haine en ligne. Danièle Obono plaide pour une meilleure régulation des GAFAM et préconise par ailleurs de recruter et former des fonctionnaires pour lutter contre la haine. Jean-Luc Romero-Michel estime pour sa part qu’un travail au niveau européen doit être effectué, afin de mieux faire pressions sur les GAFAM.

Les droits des personnes trans. Emmanuel Macron n’a rien de prévu sur le sujet. Lorsque sa représentante met en avant les avancées des droits sous le quinquennat qui vient de s’écouler, quelques huées montent de la salle. Ce qu’elle n’apprécie guère. De son côté, Mélanie Vogel l’affirme avec force: « Ce n’est pas à un juge de décider qui on est ». Elle préconise, comme les autres candidat.e.s de gauche, de laisser les personnes décider de leur genre et de décider si la mention doit figurer sur ses papiers. Jean-Luc Romero-Michel estime par ailleurs qu’il faut renforcer la formation des personnels accueillant du public pour mieux recevoir les personnes trans.

Sur la parentalité. Mélanie Vogel plaide pour une reconnaissance totale de la coparentalité, « notamment quand il y a plus de deux parents ». « Il faut pouvoir dire qu’un père a accouché », ajoute-t-elle. « L’intérêt de l’enfant c’est de s’épanouir dans la famille qu’il a », renchérit Jean-Luc Romero-Michel. Danièle Obono rappelle que Jean-Luc Mélenchon s’est prononcé pour inscrire la liberté de genre dans la Constitution. La députée LFI se prononce également pour une simplification de l’adoption intra conjugale et pour l’autorisation de la méthode ROPA (qui permet à une femme de donner ses ovocytes pour qu’ils soient implantés chez sa partenaire) dans la PMA. Jean-Luc Mélenchon simplifierait également la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ce sera la seule mention de la GPA de la soirée. Bérangère Couillard affirme que ne pas reconnaître la parentalité trans est « une erreur de droit ». « Espérons que cela se fera », conclut-elle.

Au centre, Barbara Gomes (PCF).

Sur la question intersexe. La plupart des représentant.e.s de candidat.e.s préconisent la fin des mutilations génitales pour les personnes intersexe et l’indemnisation pour celles qui les ont subies. Seule voix dissonante, celle de Bérangère Couillard, qui affirme que « les professionnels ne sont pas unanimes » sur le sujet. Comme souvent lors de ses interventions, la députée LREM veut croire que « nous irons plus loin ».

Du côté de l’école. Barbara Gomes (PCF) estime que les jeunes devraient avoir accès à un refuge s’ils ou elles sont rejeté.e.s par leurs parents. Mélanie Vogel critique ensuite la circulaire qui conseille au corps enseignant de nommer un.e élève trans selon le prénom qu’il ou elle s’est choisi, si la famille est d’accord. On devrait pouvoir se passer de l’accord de la famille, estime-t-elle. Comme les autres intervenants, à l’exception de Bérangère Couillard, la sénatrice affirme qu’il faudra faire plus qu’une circulaire sur le sujet. « On ne va pas avancer sur la transphobie avec une circulaire », résume-t-elle.

Le VIH. Jean-Luc Romero-Michel, qui milite de longue date contre le virus, a affirmé que « Le futur président.e peut être le/la président.e de la fin du sida. » L’élu parisien estime qu’il faudrait 20 ou 22 milliards par an pour lutter efficacement contre le virus au niveau mondial. Mélanie Vogel plaide pour ne plus expulser les personnes séropositives vers les pays où elles ne peuvent pas recevoir correctement un traitement.

De gauche à droite: Tiphaine Morier (NPA), Jean-Luc Romero-Michel (apparenté PS), Danièle Obono (LFI)

L’international. Pour Barbara Gomes, « au delà de la condamnation de l’homophobie à l’étranger, il faut améliorer l’accueil des personnes étrangères. » Mélanie Vogel plaide pour une suppression pure et simple de la liste des « pays sûrs » — l’asile n’est offert pour les personnes LGBT que si leur pays d’origine ne figure pas dans cette liste. Bérangère Couillard lui assure que cela a été voté et sera bientôt le cas. La sénatrice EELV estime par ailleurs qu’on devrait se servir des accords commerciaux pour faire pressions sur les pays homophobes.

Pour le NPA, Tiphaine Morier rappelle que l’article 230 du code pénal Tunisien est hérité de la colonisation française. Donc la France n’est pas très bien placée pour faire la leçon aux autres, explique-t-elle.

Pour Jean-Luc Romero-Michel, Anne Hidalgo veut s’inspirer de son expérience de maire pour favoriser « une diplomatie des villes ». « Dans certains pays, il y a des maires opposés à la politique nationale. ». Il faut s’appuyer sur eux, estime-t-il. Danièle Obono met en garde: « Il faut éviter de transformer la question LGBT en nouvel impérialisme ». La députée LFI pense qu’il faut s’appuyer sur l’ONU, L’Unicef, et les mouvements sociaux dans les pays.

Malaise face aux revendications des travailleurs du sexe

Une question au final rassemble — en creux — les intervenant.e.s. Tout.e.s se montrent aussi mal à l’aise les un.e.s que les autres devant la question posée par le Strass, le syndicat des travailleuses et travailleurs du sexe et rappellent, sans grande conviction parfois, que leur candidat.e est abolitionniste. Le seul point de divergence se situe sur l’abolition ou non du texte de 2016 qui pénalise les clients. La députée LREM est contre. Les autres se prononcent pour la révision du texte ou contournent le sujet.

On quitte ce débat en regrettant que certaines questions n’aient pas été abordées, comme celle de la GPA ou du chemsex (évoquée d’une phrase par Jean-Luc Romero-Michel). Mais cette soirée aura au moins permis d’aborder les questions LGBTI lors de cette campagne présidentielle. Cela n’était pas beaucoup arrivé jusqu’ici.

Photos: Xavier Héraud

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