Stephen Sondheim, le « Shakespeare de la comédie musicale », est mort

Stephen Sondheim, le « Shakespeare de la comédie musicale », est mort

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Le compositeur et parolier américain Stephen Sondheim est mort hier à l’âge de 91 ans, a annoncé son avocat au New York Times.

Au cours de ses six décennies de carrière il aura profondément marqué son art, celui de la comédie musicale, influencé d’innombrables artistes et inspiré les spectatrices et spectateurs de plusieurs générations.

Né en 1930, élevé par une mère abusive, il a la chance d’avoir comme mentor et père de substitution un autre génie de la comédie musicale, Oscar Hammerstein II, parolier et créateur de classiques comme Show Boat, Carousel, The Sound of Music et beaucoup d’autres.

Parolier sur « West Side Story »

Sondheim commence à travailler dans les années 50 comme parolier pour deux œuvres qui deviennent les plus grands classiques de la comédie musicale américaine: West Side Story (dont la nouvelle version, réalisée par Spielberg doit sortir prochainement) et Gypsy, inspirée de la vie de la strip-teaseuse Gipsy Rose Lee.

Toutefois, son objectif n’est pas d’être parolier mais d’être compositeur ET parolier. Il étudie la musique avec le compositeur d’avant-garde Milton Babbitt, mais se fixe dans un registre plus populaire que ce dernier. La première œuvre dont il écrit la musique et les paroles s’intitule A funny thing happened on the Way to the forum, une farce située à l’époque romaine. Ce fut l’un de ses plus grands succès à Broadway et pendant longtemps la seule œuvre montée en France.

Dans les années 70, sa période la plus prolifique, il écrit plusieurs classiques de la comédie musicale américaine, Company, Follies, A Little Night Music, Pacific Overtures, Sweeney Todd (adapté au cinéma par Tim Burton).

Une exigence artistique totale

Son style se caractérise par une exigence artistique totale, une connaissance savante de le musique, une intelligence rare doublée d’une sensibilité profonde, toujours au service de ses personnages. Il manie tous les registres avec brio: chansons drôles, dramatiques (Losing my mind, dans Follies), l’humour noir (A Little Priest, dans Sweeney Todd par exemple) et il peut parodier n’importe quel style musical (comme il le fait dans Follies, par exemple). A travers ses chansons, qu’il considère comme des pièces miniature, il explore toute la gamme et la complexité des émotions humaines comme peu d’autres l’ont fait avant et après lui.

Ouvertement gay, il n’aura quasiment jamais écrit sur le sujet. Après tout, comme il le rappelait souvent, un compositeur et parolier ne crée pas les personnages, c’est le rôle du librettiste.

Dans les années 80 et 90, il écrit ensuite les chansons de quelques œuvres majeures comme Sunday in the Park with George (prix Pulitzer en 1985), Into the Woods (adapté au cinéma par Rob Marshall), Assassins ou Passion. Peu de ses œuvres auront été de grands succès commerciaux, mais la plupart ont été saluées par la critique, avec laquelle il n’était pas tendre.

Comme la plupart de ses pairs, il n’est pas étranger à l’échec. Deux de ses comédies musicales, Anyone Can Whistle (1964) et Merrily we roll along (1981) auront été des flops retentissants, malgré une partition et des chansons exceptionnelles.

8 Tony Awards et un Oscar

Même s’il confiait ne pas avoir une grande passion pour les récompenses, il a été gâté de ce côté là, avec notamment 8 Tony Awards, 8 Grammy Awards et l’Oscar de la la meilleure chanson originale en 1991 pour Sooner or Later, dans le film Dick Tracy, interprétée par Madonna. Sunday in the Park with George lui vaut par ailleurs le Prix Pulitzer de l’œuvre dramatique. Consécration suprême: à Broadway, un théâtre a été renommé en son honneur il y une dizaine d’années.

Voir ci-dessous Sooner or Later, par Madonna

Dans les années 2010, le public français peut découvrir plusieurs de ses œuvres, montées par le Théâtre du Châtelet: A Little Night Music, Sunday in the Park with George, Into the Woods, Sweeney Todd et Passion.

Voir ci-dessous le reportage de Yagg consacré à A Little night music: 

Ses comédies musicales sont jouées régulièrement sur les scène du monde entier. Commentant la mort de Sondheim, la metteuse en scène Marianne Elliott, à l’origine d’un superbe revival de Company, d’abord à Londres puis à New York, a salué en lui le « Shakespeare de la comédie musicale ».

Lui qui bénéficia des conseils d’un mentor n’eut de cesse d’enseigner son art et de conseilleur les jeunes artistes. On en a une illustration dans Tick Tick Boom, la comédie musicale autobiographique de Jonathan Larson, mise en ligne sur Netflix il y a quelques jours. On y voit l’auteur recevoir le soutien de son aîné alors qu’il tente, sans succès, de monter sa première comédie musicale. Dans l’une des dernières scènes du film, le personnage écoute un message téléphonique du maestro, qui le félicite pour son travail et lui dit sa disponibilité pour échanger. Pour l’anecdote, le message a été enregistré par Sondheim lui-même.

Depuis hier soir, les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux. Comme Barbra Streisand, qui a interprété sa chanson la plus connue, Send in the Clowns:

Ou Bernadette Peters, inoubliable créatrice de deux rôles marquants, celui de Dot dans Sunday in the Park et celui de la sorcière dans Into the Woods, et infatigable promotrice de ses chansons dans ses concerts (écoutez ses version de Not a Day Goes by ou Being Alive):

Celui qui était sobrement surnommé « Dieu » à Broadway travaillait encore récemment. Il planchait sur une adaptation de deux films de Luis Bunuel, Le charme discret de la bourgeoisie et L’ange exterminateur. Des projets qui resteront inachevés. Les œuvres qu’il a pu compléter tout au long de sa carrière resteront en revanche encore longtemps à l’affiche des théâtres du monde entier. Dieu est mort, vive Dieu.

Voir ci-dessous Send in the clowns, par Glenn Close:

 

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