Quand l’humoriste gay Alex Ramirès livre un sketch follophobe sur une chaîne publique

Quand l’humoriste gay Alex Ramirès livre un sketch follophobe sur une chaîne publique

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Qui a dit que l’enfer était pavé de bonnes intentions ? En voulant démonter les clichés sur l’homosexualité, l’humoriste gay Alex Ramirès a livré, sur une chaîne du service public, une séquence où il ridiculise tous les gays qui ne rentrent pas dans les normes de genre.
Le 30 novembre, Alex Ramirès (qui présente actuellement son spectacle Sensiblement viril à Paris et en tournée) participait en Suisse à Game of Drôles, le gala d’ouverture du Montreux Comedy Festival 2017. Lundi 19 février, la chaîne France 4 diffusait une captation de l’événement. Et, pour promouvoir le replay de cette soirée, le compte Twitter de la chaîne se fendait dès le lendemain d’un tweet enthousiaste:

Dans l’extrait mis en avant par le tweet de France 4, d’une durée de 2’30 minutes, Alex Ramirès commence par parler frontalement de son homosexualité, mais en se disant lui-même « avec un mec » plutôt que « gay ». « J’ai rien contre le mot, mais c’est juste que j’ai l’impression qu’aujourd’hui en France, si tu dis à quelqu’un que tu es gay, il va forcément t’imaginer avec tout le pack de clichés qui va avec. (…) Si tu es gay, tu es forcément une sorte de créature efféminée, exubérante, qui travaille dans la mode ou les cheveux ».

Il se livre alors à une imitation de ladite « créature » qui provoque l’hilarité du public (majoritairement hétéro) mais qui ne dépareille pas avec la longue histoire des représentations homophobes des gays par des hétéros sous couvert d’humour. Les gays parlent avec une voix suraiguë, sautent sur tous les mecs, critiquent tout le monde et adorent Madonna, Britney ou Kylie. Malheureusement, Alex Ramirès se moque moins de ces poncifs caricaturaux et réducteurs que de ceux qui, parmi les gays, semblent leur correspondre. Le clou du passage étant sans doute ce message destiné à la « créature » : « ne change pas ! Mais tu ne m’aides pas, c’est tout, hein… ».

Sur Twitter, la séquence a provoqué de vives critiques, certains twittos reprochant à l’humoriste de se moquer des gays efféminés :

Alex Ramirès a aussi ses défenseurs

L’humoriste a aussi trouvé des défenseurs, y compris dans la communauté, comme par exemple le caricaturiste gay Nawak :

 

De son côté, l’association SOS Homophobie, par la voix de son président et porte-parole Joël Deumier, « regrette toute forme de clichés et de stéréotypes qui nourrissent l’homophobie. On ne peut que regretter ce genre de propos« .

L’attaché de presse d’Alex Ramirès: « Je crois qu’on nuit à la cause des gays ».

Contacté, Matthieu Clée, l’attaché de presse d’Alex Ramirès regrette pour sa part « que les gens se fassent un point de vue très tranché à partir d’un tout petit extrait du spectacle. Il n’y absolument rien de méchant dans Sensiblement viril, qui défend la tolérance et l’acceptation de soi. Alex y parle de son homosexualité avec beaucoup de pudeur. C’est quelqu’un qui a fait son coming-out très tard et qui porte toujours un regard plein de tendresse sur le monde. À force de se heurter sur des petites choses, de s’offusquer pour un rien, je crois qu’on nuit à la cause des gays ».

Est-ce ce coming-out tardif et récent qui explique qu’Alex Ramirès, 28 ans, ne soit visiblement pas encore très à l’aise avec certains homosexuels ? Et un gay qui se moque des gays efféminés, est-ce de l’homophobie ou de l’autodérision ? La dernière hypothèse serait plus recevable si Alex Ramirès s’incluait lui-même parmi ces « folles » dont il se moque. Mais, bien au contraire, il fait tout pour s’en distancier. Loin de dénoncer le stigmate qui pèse sur les gays qui ne rentrent pas dans les normes de genre (ou de s’en moquer), il s’en dédouane lui-même avant de le rejeter violemment sur d’autres.

À la croisée du sexisme et de la gayphobie, la follophobie (dépréciation des « folles » et des gays jugés efféminés) est une forme d’homophobie particulièrement répandue, y compris chez les gays. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil sur les applications de rencontres gays, sur lesquelles beaucoup de profils annoncent d’emblée « no folles » ou « masc4masc » (« mec masculin cherche un mec masculin »).

Prétendant hiérarchiser l’infinie diversité des façons de vivre son homosexualité, la follophobie met en valeur une homosexualité masculine « normale » (c’est-à-dire conforme aux normes de genre) et virile. À l’inverse, elle dénigre les gays efféminés, les accusant de « donner une mauvaise image de l’homosexualité », voire d’être responsables de l’homophobie. Sous couvert de « chasse aux clichés», elle en vient ainsi à invisibiliser, voire dénoncer, une partie des gays.
Pour le sociologue Jean-Yves Le Talec, auteur de Folles de France. Repenser l’homosexualité masculine, l’adhésion de certains gays à la follophobie s’explique par le fait que « la norme de genre est véhiculée partout. Et celles et ceux qui la refusent dérangent aussi bien les hétérosexuel·le·s que les homosexuel·le·s ».

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