Bougrerie, sodomie et travestissement : quand les États-Unis criminalisaient l’homosexualité

Bougrerie, sodomie et travestissement : quand les États-Unis criminalisaient l’homosexualité

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En août 2017, on comptait 73 pays (et 5 entités subétatiques) où l’homosexualité était pénalisée. La plupart d’entre eux se situent en Afrique et en Asie. Ces lois archaïques affectent les vies des personnes LGBT à travers le monde entier et nous devons nous en débarrasser. C’est pourquoi, dans le but de travailler activement à la suppression de toutes les lois qui criminalisent les personnes LGBT, Hornet a lancé la campagne #DecriminalizeLGBT, que nous vous invitons à rejoindre.

Même si le nombre de pays où l’homosexualité est pénalisée est ahurissant, il reste de l’espoir : en 2006, ils étaient 92.

Même les États-Unis ont autrefois criminalisé l’homosexualité, via des lois réprimant la « sodomy« , c’est-à-dire aussi bien le sexe anal que le sexe oral et parfois même d’autres pratiques sexuelles jugées infamantes.

Pour beaucoup de jeunes d’aujourd’hui, il est difficile de croire que les relations sexuelles consenties entre deux hommes étaient illégales dans quatorze États américains jusqu’en 2003. (En comparaison, les jeunots, le premier album de Britney, …Baby One More Time, est sorti quatre ans plus tôt, en 1999).

L’histoire de ces lois américaines qui criminalisaient la « sodomy » (et qui découlaient de l’histoire de Sodome et Gomorrhe dans la Bible) est complexe, mais elle mérite qu’on se penche dessus.

 

Voici une chronologie de la criminalisation (et de la décriminalisation) de l’homosexualité aux États-Unis :

 

1610-1776 : le temps des colonies américaines

Les lois américaines contre l’homosexualité remontent à plusieurs siècles. En fait, on pourrait rechercher leurs origines avant même les années 1600, puisque le système juridique des États-Unis découle de celui de l’Angleterre, et que l’Angleterre a puni de mort les « sodomites » dès la fin du XIIIème siècle.

Mais commençons néanmoins par le début du XVIIème siècle.

En 1610, la Virginie est la première colonie américaine à se doter de lois écrites réprimant la « sodomy« . Ces lois sont cependant abrogées huit ans plus tard et plus aucune colonie n’eu de loi écrite contre la « sodomy » jusqu’à ce que Plymouth en adopte une en 1636. Cette ville du Massachusetts avait été fondée par des puritains conservateurs qui avaient fui l’Angleterre et les persécutions qu’ils y subissaient à cause de leur foi fondamentaliste. L’ironie de l’histoire, c’est qu’eux-mêmes firent preuve de la même intolérance à l’égard de ceux qui étaient différents d’eux. À Plymouth, les puritains interdirent donc la sodomie en se basant sur leur interprétation du Lévitique, le troisième livre de la Bible.

 

1828 : le dictionnaire Webster

En 1828, Noah Webster publie la première édition du Dictionnaire américain Webster de la langue anglaise (Webster’s American Dictionary of the English Language, le dictionnaire de référence pour l’anglais américain). Dans son dictionnaire, Webster recense de nombreux mots désignant des pratiques sexuelles entre hommes… mais fait complètement l’impasse sur les pratiques sexuelles entre femmes.

Bougre, bougrerie, passif, pédéraste, pédérastique, pédérastie, sodomie et sodomite sont ainsi quelques-uns des termes utilisées pour désigner la sodomie entre hommes et ceux qui s’y adonnent. D’autres mots sont également employés pour désigner les personnes trans : androgyne, castrat, castré, castration, eunuque, émasculation, hermaphrodite, hermaphrodisme…

 

1865 : après la Guerre de Sécession

Après la Guerre de Sécession, les crimes de « sodomy » et de « bougrerie » sont passibles de la peine de mort dans de nombreux États. Le travestissement, quant à lui, peut valoir à celui qui s’y adonne une peine de prison ou des châtiments corporels.

 

Années 1960-1970 : les débuts de la décriminalisation

Avant 1962, les rapports sexuels entre hommes étaient considérés comme un crime dans tous les États des États-Unis, et ils étaient punis par des longues peines de prison ou même par la peine de mort. Cette année-là, l’American Law Institute publia le Model Penal Code (MCP), un texte juridique dont le but était de favoriser l’harmonisation des législations des 50 États. Le MPC recommandait notamment que les relations sexuelles consenties et non-tarifées entre hommes soient retirées du Code pénal. En revanche, selon le MPC, le recours à la prostitution masculine devait rester pénalisé.

L’Illinois adopta les préconisations du MPC dès cette année et devint ainsi le premier État des États-Unis à décriminaliser la « sodomy » consentie entre hommes. Mais son exemple ne fut pas suivi par les autres États avant près d’une décennie.

Dans les années 70, dix-sept autres États imitèrent l’Illinois et abrogèrent leurs lois contre la « sodomy ».

 

1982-1986 : l’arrêt Bowers v. Hardwick

En août 1982, Keith Torick, un officier de police d’Atlanta, émit une convocation judiciaire contre Michael Hardwick pour avoir bu une bière en public. En raison d’une erreur administrative, Hardwick ne put se rendre à cette convocation et Torick obtint un mandat pour l’arrêter. L’affaire se régla à l’amiable et Hardwcik ne paya qu’une amende de dollars.

Mais trois semaines plus tard, Torick se présenta au domicile de Hardwick avec son mandat, désormais invalide. Le colocataire de Hardwick le laissa entrer et c’est ainsi que Torick surprit Hardwick et un autre homme en pleine fellation mutuelle (et consentie). L’officier de police les arrêta tous les deux pour crime de « sodomy« , ce qui, à l’époque, en Géorgie, pouvait vous valoir une peine de un à vingt ans de prison.

Hardwick déposa alors plainte contre Michael Bowers, le ministre de la Justice (attorney general) de Géorgie, dans l’espoir de faire invalider la loi contre la « sodomy » alors en vigueur dans cet État. Il fut défendu par l’American Civil Liberties Union, la plus importante association de défense des libertés civiles aux États-Unis.

Hardwick perdit son procès devant la Cour Suprême des États-Unis, et la législation anti-gay en Géorgie fut maintenue.

Dans son jugement, le président de la Cour Suprême, Warren E. Burger, s’appuya sur la longue histoire des préjugés homophobes. Il cita ainsi Sir William Blackstone, un important jurisconsulte britannique pour qui la « sodomy » était « un crime qu’il convient de ne pas nommer« . Burger en conclut que « considérer la sodomie entre deux hommes comme une sorte de droit fondamental reviendrait à rejeter des millénaires d’enseignement moral« .

 

1998-2003 : l’arrêt Lawrence v. Texas

En 1998, John Geddes Lawrence Jr., un technicien de laboratoire gay de 55 ans, accueillit chez lui deux amis, Tyron Garner et Robert Eubanks. Lawrence et Garner étaient des amis de longue date et Eubanks entretenait avec Garner une relation tumultueuse et intermittente. Parce que Lawrence flirtait avec Garner, Eubanks devint jaloux et appela la police en déclarant qu’un « homme noir armé » s’était introduit chez Lawrence. Quand les policiers débarquèrent sur les lieux, ils entrèrent directement par la porte principale (qui n’était pas fermée à clef) et tombèrent sur Lawrence et Garner en pleins ébats.

Lawrence fut poursuivi en vertu de la loi texane contre la « sodomy« , la loi sur la « conduite homosexuelle« , selon laquelle un « rapport sexuel déviant avec un individu du même sexe » constituait un délit de classe C (passible de cinq à trente jours de prison et d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 dollars).

Lawrence fut jugé et, avec l’aide de Lambda Legal (une association de défense des libertés civiles des personnes LGBT), porta son cas devant la Cour Suprême des États-Unis dans l’espoir d’abroger les lois réprimant l’homosexualité sur tout le territoire américain.

En 2003, quatorze États étaient encore dotés de lois contre la « sodomy« , qui faisaient de celle-ci un délit, voire un crime. Dans une décision historique, par six juges contre trois, la Cour Suprême abolit ces lois au Texas mais aussi dans chaque État et territoire des États-Unis. Cette décision cassait ainsi l’arrêt Bowers v. Hardwick de 1986.

 

2018 : aujourd’hui

Depuis l’arrêt Lawrence v. Texas, les relations sexuelles consenties entre deux hommes sont légales sur tout le territoire des États-Unis. Mais il a fallu attendre le XXIème siècle pour en arriver cela, ce qui, en soit, est plutôt hallucinant.

 

Aujourd’hui, aux États-Unis, les lois criminalisant l’homosexualité appartiennent au passé. Mais n’oublions pas que des lois semblables subsistent encore dans 73 pays à travers le monde. Rejoignez la campagne d’Hornet pour la dépénalisation mondiale de l’homosexualité, #DecriminalizeLGBT, et aidez-nous à alerter l’opinion sur ce sujet si important.

 

Photo de Une par RapidEye via iStock

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