Eurovision 2020: « On verra si c’est une stratégie payante d’arriver avec un morceau qui a des sonorités très pop suédoise. »

Eurovision 2020: « On verra si c’est une stratégie payante d’arriver avec un morceau qui a des sonorités très pop suédoise. »

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On a découvert il y a quelques jours le candidat et la chanson qui représenteront la France à l’Eurovision 2020, qui se tiendra à Rotterdam le 16 mai prochain. Il s’agit de The Best in Me, chantée par Tom Leeb (fils de Michel Leeb).

Le journaliste Fabien Randanne (ci-dessous), 36 ans, passionné d’Eurovision, sera à Rotterdam pour le journal 20 minutes. Pour Hornet, il revient sur sa passion pour le concours et sur les chances de la France cette année. Nous lui avons également posé la question à 1000 euros (au moins): pourquoi les gays suivent-ils autant l’événement chaque année?

Interview.

Quel est ton premier souvenir d’Eurovision?

C’est Amina, qui était la candidate pour la France en 1991. Ce n’est pas tant sa prestation à l’Eurovision qui m’a marqué que le clip de la chanson que je me souviens d’avoir beaucoup vu à la télévision à l’époque. C’est une chanson qui m’a marqué. Je pense que c’est la meilleure chanson que la France ait envoyé au concours depuis le début de la compétition. C’est aussi une histoire particulière puisque cette année-là Amina avait fini première ex aequo avec la suédoise Carola. Le réglement a fait qu’elles ont été départagées et Amina a fini à la deuxième place.

C’est devenu instantanément une passion ou c’est venu petit à petit?

Au cours des années 90-2000, cela a toujours été un événement que je regardais. Parfois en famille, parfois tout seul. Au début des années 2000, j’ai loupé plusieurs éditions. C’était des années moins intéressantes et j’étais moins dans cet état d’esprit. Depuis une quinzaine d’années avec mon compagnon on a d’abord commencé à suivre l’émission en direct, puis à convier des ami.e.s avec un buffet sur le thème du pays organisateur.

Que penses-tu de la candidature française pour l’Eurovision 2020?  

La candidature de Tom Leeb est une première. Puisque pour la première fois, la France va concourir avec une chanson qui est signée par des compositeurs étrangers, des suédois. C’est nouveau. C’est un choix stratégique, qui peut se défendre. Le comité de sélection dit avoir reçu suite à un appel d’offres une centaine de propositions. C’est celle-là que le comité a retenu. On verra si c’est une stratégie payante d’arriver avec un morceau qui a des sonorités très pop suédoise.

A le voir on a l’impression que c’est l’anti-Bilal Hassani. Penses-tu que c’est volontaire? 

Je ne pense pas qu’il y ait eu une réaction à Bilal Hassani, avec une volonté de prendre quelqu’un avec un profil plutôt hétéro —  Je ne connais pas l’orientation sexuelle de Tom Leeb. Quand sa candidature a été annoncée, il y a beaucoup de réactions sur son physique, du type « wow c’est un beau gosse », « c’est le plus beau candidat qui ait jamais participé ». Avec des fans étrangers qui disent: « avec un physique comme ça, la chanson ne peut être que bonne ». Est-ce que c’est l’anti Bilal Hassani? Je ne sais pas. Je ne les mettrais pas en contradiction. Je noterais juste que chaque année la France envoie des propositions assez différentes de l’année d’avant. Si on prend les dix dernières années, il y a eu un groupe plutôt rigolo pop, les Twin Twins, il y a eu de la chanson française à grosse voix avec Lisa Angel en 2015, Amir sur un côté plus chanson pop en 2016, la carte du romantisme avec Alma. Il y a eu Madame Monsieur avec quelque chose d’un peu plus sophistiqué, représentatif de la nouvelle scène musicale française en 2018, puis Bilal Hassani qui dit quelque chose de la France et de la jeunesse de 2019, de l’identité queer aussi. Il n’y a jamais eu deux profils similaires qui se sont succédés.

La chanson n’a pas été très appréciée des bookmakers lorsqu’elle a été dévoilée. Les autres années les chansons étaient plutôt bien reçues et elles n’ont pas gagné. C’est peut-être un bon signe, non?

Pour l’instant, quand on regarde du côté des bookmakers, la dynamique n’est pas très optimiste pour Tom Leeb, c’est vrai. Mais il faut prendre les choses avec des pincettes. On connaît seulement une douzaine de chansons. Il y en aura quarante et une qui seront candidates. Une fois qu’on les connaîtra toutes, on pourra voir quels sont les rapports de force: est-on sur une année avec plusieurs favoris potentiels? Ou y a-t-il un ou deux titres qui se dégagent? La cote des bookmakers devient plus pertinente la semaine du concours, quand chacun.e des artistes a fait ses répétitions sur scène et qu’on peut juger des mises en scène et de ce qui est proposé. Et je le sais d’expérience pour avoir suivi le concours particulièrement pour 20 minutes depuis 2015: il y a des chansons qui plaisent beaucoup aux fans, qui sont annoncées comme favorites au mois de mars et puis une fois qu’on voit la prestation en live et la mise en scène, c’est la douche froide et certaines de ces chansons sont éliminées en demi-finale par exemple. A l’inverse, certaines chansons se révèlent. En 2018, personne n’aurait imaginé voir l’Autriche et l’Allemagne dans le Top 5. Pour Tom Leeb, il n’y a pas encore de raison de paniquer, mais les autres années il y avait effectivement un engouement plus fort pour les chansons de la France. Tom Leeb a jusqu’à mi-mars pour travailler la chanson avec l’orchestration qu’il va présenter au concours. Je sais qu’il travaille sur une version folk qui a priori n’est pas destinée à l’Eurovision, mais ça serait peut-être quelque chose à envisager.

Parmi les chansons qui ont déjà été dévoilées, y en a-t-il une ou deux qui t’ont tapé « dans l’oreille »? 

Pour moi l’évidence c’est la Lituanie. Le groupe s’appelle The Roop et la chanson, c’est On Fire. Il y a un côté pop et une chorégraphie assez marrante. Ça a été un coup de cœur immédiat, avec l’envie de la réécouter immédiatement derrière, ce qui est en général un bon signe. Et la chanson norvégienne. J’ai suivi la sélection, ce n’était pas ma préférée mais je me rends compte qu’elle me reste en tête. C’est Attention, par Ulrikke.

L’homosexualité est-elle toujours un enjeu pour le concours? 

Je ne crois pas que les délégations aillent à l’Eurovision en se disant « on va mettre un chanteur gay », ou ce genre de chose. Le concours est très suivi par un public gay, toutes les délégations en sont conscientes. Je ne pense pas qu’il y ait vraiment de stratégie pour séduire le public gay. Mais il ne faut pas se le mettre à dos. Certains candidats ont dû gérer des polémiques. Le candidat suédois qui a gagné en 2015, sa campagne a été compliquée parce qu’il avait participé à la version suédoise d’Un dîner presque parfait et dans le cadre de cette émission il avait dit quelque chose comme « l’amour naturel, c’est entre un homme et une femme. » Apparemment, cela avait été mal traduit en anglais donc ça donnait un sens encore plus violent. Il a dû beaucoup déminer pour ça, donner des gages pour montrer qu’il est un allié. Il s’est pas mal engagé pour la cause LGBT par la suite. Il y a eu un candidat allemand en 2016 à qui on a retiré sa sélection parce qu’il avait tenu des propos homophobes. C’est un enjeu dans le sens où techniquement si tu y vas et que tu tiens des propos homophobes, ça va mal se passer.

Il y a notamment un pays qui ne veut plus participer au concours parce qu’il est jugé trop gay…

Il s’agit de la Hongrie, et c’est une explication officieuse. C’est peut-être une explication tout à fait réelle. On sait aussi que la Russie a très mal vécu la victoire de Conchita Wurst en 2014. Et que l’année d’après, lorsque la candidate russe a fait des selfies avec Conchita Wurst, le Kremlin l’a accusée de ne pas défendre les valeurs russes. Pour certains pays conservateurs et totalitaires, cette question dérange.

As-tu une idée de la raison pour laquelle ce concours passionne autant les gays? 

Il y a environ 200 millions de spectateurs qui regardent la finale en direct. C’est un public qui est varié, vaste et familial. Chez les gays, il y a une affection particulière, parce que je crois c’est un univers musical, il y a des divas, des paillettes, c’est festif. Il y a quelque chose de camp, une connivence, un côté « on ne se prend pas au sérieux » qui plaît. Et c’est un concours qui a été assez précurseur en termes de visibilité LGBT. Je daterais à peu près à 1998 cet engouement des gays pour l’Eurovision avec la victoire de Dana International, une femme trans qui représentait Israël. D’ailleurs, cette victoire a changé pas mal de choses en Israël. Des candidats (ouvertement) gays par contre, bizarrement, il n’y en a pas eu énormément. Il y a eu beaucoup de messages d’inclusion, de visibilité, de résistance face à l’adversité. Ce sont des messages qui parlent à un public gay.

 

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