Joël Deumier, réélu à la tête de SOS homophobie:« « Pédé » reste la première insulte prononcée dans les cours de récréation. »
Joël Deumier, 30 ans, avocat de profession, a été élu ce week-end pour un deuxième mandat à la tête de SOS homophobie. Avec ses 1300 membres et plusieurs délégations en régions, l’association est l’une des plus dynamiques du paysage LGBT français. Elle publie chaque année un rapport sur l’homophobie en France et a publié récemment un Guide pratique contre l’homophobie. Attentive aux expressions de la haine homophobe, elle se mobilise aussi en faveur de la PMA, actuellement discutée dans le cadre de la région de la loi bioéthique.
Tu viens d’être élu pour un second mandat à la tête de SOS homophobie, c’est une grosse responsabilité?
C’est une responsabilité passionnante. Je suis très heureux de continuer pour un second mandat et je remercie l’ensemble des membres de SOS homophobie qui nous ont fait confiance. L’association a été créé il y a bientôt 25 ans. Sa mission première est l’aide et le soutien des victimes d’homophobie et de transphobie. « Pédé » reste la première insulte prononcée dans les cours de récréation. Les moqueries, les insultes, les agressions physiques, les discriminations contre les personnes LGBT sont toujours une réalité. Les missions de SOS homophobie sont plus que jamais d’actualité.
Comment se porte l’association?
SOS homophobie va bien! Son sérieux, sa crédibilité et l’engagement de ses bénévoles sur l’ensemble du territoire sont pleinement reconnus. Cette année, l’association a aidé près de 1300 victimes grâce a la ligne d’écoute et à la commision Soutien juridique. Nos intervenants en milieu scolaire ont sensibilisé plus de 20000 élèves à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. Pour aller plus loin, des outils nouveaux vont être déployés. Nous lancerons, durant cette mandature, une Interface digitale de Première aide aux victimes. En complément de notre Ligne d’ecoute, elle donnera les premiers réflexes à avoir quand on est victime d’homophobie ou de transphobie. Nous mettrons également en place un Fonds d’aide aux victimes de LGBTphobies.
Comment articulez-vous la mission historique de SOS homophobie, avec l’engagement qui est celui de l’association sur l’égalité des droits?
Apporter une aide et un soutien aux victimes est historiquement notre première mission. Prévenir l’homophobie en milieu scolaire et sur les lieux de travail est tout aussi essentiel. Enfin, obtenir une réelle égalité des droits est la clef pour faire reculer l’homophobie structurellement et sur le long terme. Les trois missions de SOS homophonie sont complémentaires et chacune doit être préservée et renforcée.
La PMA est l’une des priorités de l’association cette année. Comment comptez-vous vous y prendre pour mobiliser un gouvernement qui n’est pas très enthousiaste sur le sujet?
Nous souhaitons l’extension de la PMA dans un climat apaisé.
Elle est un engagement du président de la république et de la majorité actuelle. 6 Français sur 10 y sont favorables. Toutefois, nous ne voulons pas revivre la déferlante de haine que nous avons connue lors du Mariage pour tous en 2012. Nous veillerons au respect des personnes LGBT et des familles homoparentales dans le débat public et nous serons intransigeants.
Quand tu dis « nous ne voulons pas revivre la déferlante de haine que nous avons connue lors du Mariage pour tous en 2012. », c’est déjà un peu le cas… La Manif pour tous phagocyte les réunions de la loi bioéthique et tente de mobiliser sur la PMA avec le même type de propos…
Quand je parle de déferlante de haine, je pense aux manifestations de rue qui ont duré plusieurs mois en 2012 et 2013. Les messages diffusés par les organisations réactionnaires, dont la manif pour tous, ont porté atteinte au respect des familles homoparentales, aux enfants de ces familles, aux parents, aux personnes LGBT et à leur entourage. Nous souhaitons aujourd’hui que l’extension de la PMA se fasse dans un climat d’apaisement. Pour cela, il est nécessaire que chacun puisse s’exprimer lors des débats organisés en région. Or, nous savons que certaines prises de paroles de personnes favorables à l’extension à la PMA sont volontairement huées ou sifflées. Nous dénonçons ces méthodes inacceptables et demandons aux pouvoirs publics de faire respecter l’ordre dans les débats organisés en région pour que chaque citoyen soit en mesure de s’exprimer. N’oublions pas que des enfants, des adolescents, des pères et des mères entendent les propos de haine tenus dans ces réunions, dans les médias, voient ce qui se passe. Les familles homoparentales doivent être respectées. D’autre part, il y a un problème sur le site internet des états généraux de bioéthique. Il regorge de propos haineux à l’encontre des personnes LGBT et des familles homoparentales. Nous demandons la mise en place d’une véritable modération des messages postés sur ce site. Les messages de haine et les comptes problématiques doivent être supprimés. La stratégie des organisations réactionnaires est connue : ils souhaitent surcharger le site des états généraux de bioéthique afin de peser le plus possible sur le débat en ligne. Nous dénonçons cette tentative de détournement de la consultation citoyenne.
Vous préparez deux gros événements pour la fin de l’année, peux-tu nous en parler?
SOS homophobie organise le 5 octobre prochain la cérémonie de remise du Tolerentia Award 2018, Prix européen de lutte contre l’homophobie. 5 personnalités se verront décerner un prix par 5 associations européennes pour leur engagement en faveur des personnes LGBT. Le 6 octobre prochain, nous organisons une Journée sur la lutte contre les LGBTphobies. Elle sera un grand moment d’echanges et de débats sur la société. Tout le monde pourra venir: grand public, association, institutionnels…Cet événement sera l’occasion d’enrichir notre réflexion pour mieux faire reculer les LGBTphobies. Aussi, il pourra contribuer à la nécessaire réflexion que doit avoir le mouvement LGBT français pour être plus fort et mieux organisé. Nous serons pleinement mobilisés!
Un certain nombre d’agressions homophobes ou transphobes ont été rapportées dans les médias dernièrement? Avez-vous constaté une hausse des signalements en ce début d’année?
La multiplication récente des faits de violence contre les personnes LGBT rapportés dans les médias montre que l’homophobie et la transphobie persisent. Le rapport sur l’homophobie 2018 de SOS homophobie sortira en mai et je ne peux pas dévoiler les chiffres. Toutefois, je peux vous dire que nous avons des raisons d’être préoccupés. La lutte contre la haine anti-LGBT doit être une priorité du Gouvernement. Le soutien financier aux associations est essentiel et doit être salué. Mais il ne peut pas remplacer une véritable politique de lutte contre les LGBTphobies.
Photo par Pierre-Edouard Vasseur