Edito: Macron, l’Eglise et l’ « accompagnement » des homos

Edito: Macron, l’Eglise et l’ « accompagnement » des homos

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Hier soir, Emmanuel Macron s’est exprimé devant la Conférence des Evêques de France au Collège des Bernardins (discours intégral sur le site de La Croix). Plusieurs points de ce très long discours, dans lequel le chef de l’Etat s’emploie à « réparer » les liens entre l’Eglise et l’Etat — officiellement séparés depuis la loi de 1905, sont largement critiqués ce matin sur les réseaux sociaux.

On reviendra ici sur un sujet en particulier.

Alors que le président de la République s’attache à faire le diagnostic d’une Eglise parfois en décalage avec l’actualité, il prononce notamment cette phrase hallucinante, retranscrite (en simplifié) dans un tweet:

« Tous les jours, tous les jours, les mêmes associations catholiques et les prêtres, accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA, des familles confrontées à l’état végétatif d’un des leurs, des familles où l’un croit et l’autre non, apportant dans la famille la déchirure des choix spirituels et moraux. « 

Il faut le lire pour le croire. Cet extrait a immédiatement suscité la colère parmi de nombreux militants sur les réseaux sociaux.

Un affront pour les personnes LGBT

Cinq ans après le mariage pour tous, en plein débat sur la PMA, affirmer que l’Eglise « accompagne » les « familles homosexuelles » — curieux vocable pour désigner les familles homoparentales — relève à la fois de l’ignorance la plus totale et de l’affront à toutes les personnes LGBT de ce pays.

Oh, certes, l’Eglise tente d’ »accompagner » les gays et les lesbiennes. On l’a vu encore récemment à Pau et Bayonne, où l’évêque Marc Aillet souhaitait organiser une conférence avec une association qui prône la chasteté et les thérapies de conversions pour les homosexuels. La conférence a été annulée grâce à la mobilisation des associations locales, mais l’évêque, adversaire acharné des personnes LGBT, a juré qu’elle aurait lieu à un moment ou un autre. Et cette association continue de toute façon ses activités dans d’autres lieux.

Si Emmanuel Macron ne saisit pas la nuance: il ne s’agit pas d’un « accompagnement », mais d’une tentative de rééducation.

L’Eglise combat l’égalité des droits

Rappelons par ailleurs que chaque avancée en matière de visibilité ou de droits pour les personnes LGBT en France, ou dans chaque pays où l’Eglise catholique est présente, se heurte à une résistance farouche du clergé et des réseaux religieux. Si l’on prend l’exemple récent du mariage pour tous, faut-il revenir sur la « prière du 15 août » et les déclarations homophobes du Cardinal Barbarin, qui ont mis le feu aux poudre en 2012? Faut-il rééxpliquer comment les réseaux catholiques ont financé la Manif pour tous et ont constitué l’essentiel de ses rangs? Et enfin, faut-il montrer au président de la République comment ces réseaux tentent de noyauter les débats sur la loi bioéthique uniquement pour faire échouer l’ouverture de la PMA aux couples de femmes? Sur ce point, ce n’est sans doute pas nécessaire puisque si l’on écoute le discours des Bernardins, c’est quelque chose que le président appelle finalement de ses voeux:

« Vous le savez, j’ai décidé que l’avis du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), Monsieur le président, n’était pas suffisant et qu’il fallait l’enrichir d’avis de responsables religieux. »

Etait-ce bien utile quand l’avis du CCNE est déjà pétri de discours reprenant les éléments de langage de ceux qui combattent la PMA (Lire PMA: un avis catastrophique, sur Yagg)?

Mais il est vrai que pour Emmanuel Macron, « cette France-là » qui a fait subir des mois et des mois de violence homophobe aux gays et aux lesbiennes (dans son rapport annuel, SOS homophobie avait noté une augmentation des actes, a été « humiliée », pour citer cette déclaration faite pendant la campagne pour l’élection présidentielle, et qu’il faut dialoguer avec elle, quitte à lui passer un peu de pommade dans le dos et à l’absoudre de tous ses péchés.

Si l’on était mesquin, on pourrait par exemple évoquer les innombrables affaires de pédophilie qui touchent l’Eglise, y compris parmi les plus hauts dans la hiérarchie catholique française (le Cardinal Barbarin est poursuivi pour ne pas avoir dénoncer les agissements d’un prêtre pédophile), ce qui en fait une autorité morale pour le moins douteuse.

On notera en conclusion que le discours d’Emmanuel Macron aura au moins fait une heureuse, Christine Boutin, pour qui l’homosexualité est une « abomination ». Cela se passe de commentaire supplémentaire.

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