Nina Simone, libre et en colère
L’histoire de Nina Simone, c’est celle d’une femme libre et blessée, d’une femme en révolte, d’une colère et d’une grâce. Sans doute l’une des voix les plus importantes du XXè siècle, Nina Simone chanta les discriminations raciales et fut toute sa vie proche de quelques-uns des principaux porte-parole de la libération gay, James Baldwin en tête. Nina Simone aurait eu 85 ans en ce 21 février.
Les injustices, Nina Simone, dès son plus jeune âge dut les combattre, et elle n’abandonna jamais, de sa naissance à sa mort, elle ne baissa jamais la garde. L’injustice d’être une enfant noire, une jeune fille noire, une artiste noire née au pays et au temps de la ségrégation. Cette violence raciste, elle ne cessa de s’y confronter. Enfant virtuose, elle joue souvent dans l’église de sa congrégation religieuse. A 12 ans, elle doit y donner son premier récital et constate que ses parents ont été relégués au fond de la salle pour laisser les rangs de devant au public blanc. Elle refuse de jouer tant qu’on ne laisse pas ses parents s’installer au premier rang. Quelques années plus tard, celle qui rêve de devenir pianiste classique et s’entraîne inlassablement pour cela, n’est même pas auditionnée par le jury du prestigieux institut dans lequel elle souhaite entrer, en raison de la couleur de sa peau. Elle ne sera pas la première concertiste noire d’Amérique. C’est de cet interdit inique (qui sera contesté plus tard par l’institut) que naîtra sa carrière de musicienne et de chanteuse de jazz, de cette humiliation initiale que se nourrira la puissance de sa voix et l’inépuisable registre de sa colère.
Figure de Greenwich Village
Après des débuts comme pianiste et chanteuse dans de petits clubs de jazz de Philadelphie, elle s’installe à New York en 1958, où elle devient une figure du Greenwich Village. C’est là, dans ce monde très métissé et artistique fréquenté par de nombreux homosexuels des deux sexes qui bien vite l’entourent, qu’elle enregistre ses premiers albums rencontre ses premiers succès et fait la connaissance de deux figures majeures de la culture africaine-américaine et homosexuelle de l’époque, le poète Langston Hughes et l’écrivain James Baldwin. Ils deviennent amis, ils le resteront jusqu’à la mort, celle de Hughes en 1967, celle de Baldwin vingt ans en plus tard. Elle chantera un poème du premier, Backlash Blues, et fera partie des invité·e·s régulier·e·s du second dans sa maison de Saint-Paul-de-Vence. “Elle est étrange, écrira-t-il d’elle. Comme le sont les pièces de Bendan Behan, Jean Genet ou Bertlot Brecht. Elle est lojntaine et en même temps commune. (…) Elle est différente.” A la suite de Baldwin et d’autres amis très engagés, elle affine sa conscience politique, chante les discriminations, participe aux combats pour les droits civiques, se rapproche des leaders du Black Power comme Malcolm X. Missippi Goddam, Four women, Strange fruits… Sa musique comme sa voix se nourrissent de cette révolte.
Une carrière portée par les gays
Elle devient une star, une diva, souffre de troubles bipolaires, terrorise son entourage, se montre capricieuse, pense souvent au suicide, mais continuer à chanter à travers le monde. Dans les années 1980-1990, sa carrière est à l’arrêt, plus personne ne veut travailler avec elle, elle n’a plus de maison de disques. Ce sont deux gays à nouveau qui viendront à sa rescousse : l’un, un de ses plus grands fans, réussit à convaincre son label de lui signer un contrat, le second devient son manager attentionné durant les huit dernières années de sa vie.
Elle meurt en 2003. Sa musique, elle, dans ces temps de retour du racisme jusqu’au plus haut sommet de l’Etat américain, est plus vivante et actuelle que jamais.
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