« Sur le long terme »: un thread bouleversant sur le sida et le souvenir

« Sur le long terme »: un thread bouleversant sur le sida et le souvenir

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Certains matins vous ouvrez votre compte Twitter et vous tombez sur des polémiques sans fin avec des gens qui se traitent de tous les noms, et vous maudissez pour la vingt-milliardième fois les réseaux sociaux. Et parfois, vous tombez sur un tweet ou un « thread » (une succession de plusieurs tweets sur le même sujet) lumineux ou poignant qui vous rappelle pourquoi les réseaux sociaux sont utiles.

Hier soir, le journaliste américain Tucker Shaw a posté un thread bouleversant après avoir entendu dans le train un jeune homme qui disait à un autre que le sida avait eu des effets bénéfiques « sur le long terme. »

Un thread que nous vous avons traduit ci-dessous:

« Dans le train qui me ramenait chez moi ce matin, j’ai entendu la conversation d’un jeune homme, qui parlait à un autre jeune homme. Ils se tenaient la main. A l’université, j’ai imaginé. Dans ces âges-là en tout cas. Bien plus jeunes que moi.

Il parlait d’une sida, avec un ton savant. Comment cela avait été source de changement. Permis d’améliorer les choses, sur le long terme.

Le long terme.

Il a peut-être raison. Je ne sais pas. J’ai déjà entendu cette théorie. Il s’exprimait avec clarté et assurance. Jeune, plein de convictions. Mais.

Souvenez-vous à quel point c’était terrible, il n’y a pas si longtemps, pendant les pires moments. Combien tous ces beaux amis sont morts. L’un après l’autre. Brutalement. Sans relâche. Fragiles et humides. Dans des pièces froides avec des lumières chaudes. Vous vous en souvenez?

Certaines nuits, vous vous faufiliez dans cet hôpital du centre-ville après les heures de visite, juste pour voir qui était dans le coin. Ce n’était pas difficile.

Vous apportiez un radio-cassette. Des ragots récents. Des magazines trash et des livres de poche bon marché. Des brownies au haschich. Tout. N’importe quoi.

Vous vous faisiez mettre dehors, mais vous vous faufiliez à nouveau. Mettre dehors encore. Reveniez encore. Parfois vous reconnaissiez un ami. Parfois non.

D’autres soirs, vous sortiez pour aller prendre un verre et danser. Un autre genre de distraction. Vous aperceviez un visage dans l’obscurité. Est-ce toi? Vieille branche! Non. Pas lui. Juste un fantôme.

Au boulot, vous trouviez un parapluie, celui que vous aviez emprunté il y a quelques pluies à un collègue. Je devrais le lui rendre, pensiez-vous. Non. Pas besoin. Il est parti. Le parapluie est à vous, désormais.

Saison après saison. Année après année.

Un jour, vous aviez de la chance et vous tombiez sur quelqu’un d’adorable. Vous vous sentiez heureux, optimistes. Vous faisiez des projets.

Ensemble, vous teniez un carnet que vous aviez acheté 30 cents à Chinatown pour vous souvenir de qui était encore là et qui ne l’était plus, parce que c’était si facile d’oublier.

Mais il y avait tellement de noms à coucher sur le papier. Trop de noms. Des noms que vous ne vouliez pas écrire.

Quand lui a aussi il avait finalement dû partir, vous vous débarrassiez du carnet. Plus de noms.

Vos amis passaient vous voir avec de la nourriture à emporter et du vin et vous pouviez voir à quel point ils essayaient de ne pas demander quand il allait revenir parce qu’ils savaient qu’il n’allait pas revenir. Personne ne revenait. Et vous fêtiez vos 24 ans.

Quand cela faisait assez longtemps qu’il était parti et qu’il était temps de se débarrasser de ses affaires, ils vous le disaient. Il est temps. Et vous le faisiez,  vous donniez les chemises, les pulls, les vestes. Tout.

Sauf ces chaussures. Vous vous rappelez, ces chaussures. Il adorait ces chaussures, vous disiez. On adorait ces chaussures. Je garderai ces chaussures sous mon lit.

Vous déménagiez dans un autre quartier. Vous défaisiez vos cartons le premier soir, preniez une douche, faisiez le lit car il était l’heure d’aller au lit. Vous pensiez aux chaussures. Pour la première fois, vous les mettiez. Regardez-moi ces chaussures. Elles sont super ces chaussures.

De l’air. Vous aviez besoin d’air. Vous sortiez avec ces chaussures au pied. Jusqu’au perron. Vous vous asseyiez. Une brise. Une voisine passe devant vous. « J’adore vos chaussures », disait-elle. Mais les chaussures sont trop grandes pour vous.

Vous restiez assis là pendant un moment, peut-être une heure, peut-être plus longtemps. Puis vous défaisiez les lacets des chaussures et les déposiez dans une poubelle sur le bord du trottoir. Et vous remontiez chez vous en chaussettes. Le téléphone sonne. Des nouvelles.

Le long terme. N’était pas il y a si longtemps que ça. »

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